Dans ce post, je veux vous parler d’une autre figure (secondaire) que l’on trouve fréquemment dans les temples d’Asie du Sud-Est. Pra Mae Thorani (ou Thoranee) est la représentation bouddhiste de Mère Nature. Voici son histoire :

L’histoire
Siddhartha Gautama méditait sous l’arbre Bodhi à Bodh Gaya. Son chemin spirituel semblait le mener vers l’illumination. Māra, le seigneur de l’illusion, essayait de le détourner, de le perturber afin qu’il n’atteigne pas le Nirvana. Māra le défia en disant que ce petit prince n’avait aucun droit de prétendre à l’illumination.

En réponse, Siddhartha étendit sa main droite vers la terre, et toucha le sol avec le bout de ses doigts. Ce geste, connu sous le nom de Bhumisparsha Mudra, symbolise l’appel à la terre pour témoigner de sa détermination, de ses mérites accumulés dans ses vies antérieures, et de son droit d’atteindre l’éveil.
Bhumisparsha Mudra
Le Bouddha, dans la posture de « prise de la terre à témoin, » est représenté assis en tailleur, en état de méditation profonde et de concentration.

Sa main gauche repose doucement sur son genou gauche, la paume tournée vers le haut, dans un geste de méditation. Ce geste symbolise la tranquillité et l’introspection. La main droite du Bouddha, quant à elle, est placée sur le genou droit, mais avec les doigts pointant vers le sol.
Cette position du Bouddha est une des postures les plus courantes dans l’iconographie bouddhiste thaïlandais, souvent appelée « Bhumisparsha Mudra » en sanskrit, ce qui signifie littéralement « geste de prise de la terre à témoin ».
La terre est appelée à la barre des témoins
Pra Mae Thorani, la déesse de la terre, répondit immédiatement à l’appel. Elle émergea de la terre devant le Bouddha, sous la forme d’une belle femme aux longs cheveux. Dans un geste caractéristique, elle saisit ses cheveux et les tordit, faisant jaillir un immense torrent d’eau.

Cette eau n’était pas ordinaire. Elle représentait les innombrables actes méritoires accomplis par Siddhartha au cours de ses vies passées. Le flot d’eau était si puissant qu’il emporta et submergea complètement les armées de Māra, les purifiant et dissipant ainsi les forces du mal et les illusions qui tentaient de détourner Siddhartha de son éveil.
Māra fut vaincu. C’est grâce à l’intervention de la déesse de la terre que Siddhartha Gautama put continuer sa méditation sans être perturbé, atteignant finalement l’état d’éveil pour devenir le Bouddha.
Pra Mae Thorani est la personnification bouddhiste de Mère Nature
Elle n’est pas mentionnée dans les premiers textes bouddhistes comme le Tripitaka. La plus ancienne mention de Pra Mae Thorani apparaît dans le Lalitavistara, un texte mahayaniste datant du 8e siècle bouddhiste, qui la décrit venant féliciter le Bouddha après son Éveil, aux côtés d’autres divinités. Dans l’art de l’Inde, sous la dynastie Gupta, elle est représentée comme une déesse de la terre, souvent en prière ou portant une jarre d’eau, mais la tradition où elle essore ses cheveux pour repousser Mara est unique aux régions de Thaïlande, du Laos, du Myanmar et du Cambodge. Cette iconographie spécifique semble avoir émergé bien plus tard avec des preuves plus claires en Thaïlande dès l’époque d’Ayutthaya.
Elle est connue sous différents noms à travers l’Asie du Sud-Est. En khmer, elle est appelée Neang Konghing ou Preah Mae Thoroni, en birman Wathondara, et en thaï Phra Mae Thorani.

Dans les temples et les sanctuaires bouddhistes, des statues ou des images de Pra Mae Thorani sont souvent placées près des arbres Bodhi ou dans les jardins, car elle est considérée comme une protectrice des lieux sacrés naturels. Les croyants lui offrent souvent des fleurs, de l’eau, ou des bougies, priant pour sa bénédiction et sa protection.
C’est une connexion profonde entre l’humain et la terre: notre existence et nos actions sont en relation constante avec le monde naturel, la terre elle-même se souvient de nos vie passée et de nos réalisations.

Toutes les photos et le texte © Frédéric Alix, 2024
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