Le 5 janvier 2025, je suis invité à participer à une ordination de moine bouddhiste. J’ai déjà assisté à des ordinations, mais c’est la première fois que j’y participe du début à la fin en tant qu’invité, et non comme un simple spectateur de passage. C’est un grand honneur pour moi.


Dr. Kenneth, professeur à l’université de Payap Peacebuilding, est l’un des Nai Than (นายทาน) de cette ordination, c’est-à-dire qu’il a financé, patronné la cérémonie. Financer une ordination est un acte méritoire pour la personne qui le fait. Désireux de partager ses mérites avec la communauté de Payap, Dr. Kenneth a invité Dr. Rey, Aye, une étudiante originaire d’Arakan au Myanmar, Sam, un ancien étudiant philippin, Dawitt et moi membres de la communauté des amis de la faculté de Peacebuiling. C’est ainsi que nous nous rendons ensemble au village de Ta Pong à une vingtaine de kilomètres au sud de Chiang Mai.
Tornthep est un novice au temple du village de Ban Ta Pong où réside Dr. Kenneth. Il est originaire d’un village ethnique Karen et s’est rapproché de la ville pour pouvoir suivre les cours de l’école bouddhiste de Chedi Luang.

Au moment où l’on arrive au temple de Ta Pong, la cérémonie vient de commencer. Le Viharn est rempli de monde, pour la plupart des femmes et des hommes en costume karen. Le moine qui guide la cérémonie appelle les parrains de l’ordination, à venir allumer les bougies sur le grand chandelier placé devant la statue principale du Bouddha.
Nous sommes dans le Viharn (วิหาร), c’est-à-dire le hall de prière où dans l’enceinte du temple les fidèles peuvent venir prier et écouter les sermons des moines.


Un baisri (บายศรี) – un arrangement fait de feuilles de bananiers soigneusement pliées pour former une structure conique agrémentée de fleurs de jasmin, est posé au milieu d’une table. Un fil de coton le relie au Bouddha. Tornthep, le jeune novice qui sera ordonné ici est assis, il tient dans ses mains jointes une des extrémités du fil de coton blanc, le moine assis en face de lui tient lui aussi une extrémité du fil sacré qui permet la connexion au Bouddha via le baisri.
Le moine lit alors une très longue recommandation en Kham Muang (คำเมือง) la langue locale. Le texte est très poétique, si je ne peux pas comprendre beaucoup, je ressens la beauté de la langue. Il énumère des conseils au jeune homme qui lui serviront dans sa future vie monastique, un peu comme un grand-frère parle à son petit-frère.
S’ensuit la cérémonie d’ «offrandes à la communauté» (การถวายทานแก่ชุมชน), sur les marches du Viharn. Les Nai Than de la journée offrent des œufs, du riz et des couvertures aux défavorisés et aux ainés de la communauté. Cette cérémonie reflète l’importance du mérite collectif et du partage.

Puis, un groupe de danseuses offrent une performance d’une danse lanna, c’est une façon de célébrer le départ du jeune homme qui va définitivement quitter sa famille et la communauté pour la vie monacale. Après la cérémonie des photos, nous allons manger. Les moines reçoivent les meilleurs plats et sont assis dans une pièce climatisée, alors que la communauté se contente d’une soupe de nouille à l’extérieur. En tant qu’invités, nous avons eu le privilège de manger avec les moines. Je me suis régalé des plats de la cuisine locale que j’affectionne tant.

Je profite de ce moment informel pour discuter avec Tornthep. Il est étudiant à l’école bouddhiste de Chedi Luang. Il m’explique qu’il a atteint l’âge de 20 ans et qu’il ne peut pas rester novice. Il veut poursuivre ses études et a fait le choix de continuer sur la voie monastique parce que c’est la voie traditionnelle que les anciens ont suivie avant lui. Il me présente un autre novice a peine plus jeune que lui, qui suit les mêmes cours et qui deviendra moine en mars prochain. Au fil de la discussion je comprends que ce novice habite un temple en ville et qu’il connait bien un de mes amis qui était moine là-bas. (Le monde monastique est petit).
Les parents de Tornthep, un couple de fermiers, offrent des légumes (bios) de leur production, aux personnes qui participent à l’ordination pour les remercier de leur présence. J’ai l’impression que les donations ont une place essentielle dans cette journée.

L’ordination d’un fils en tant que moine est un immense honneur pour les parents dans la tradition bouddhiste. C’est perçu comme une offrande spirituelle suprême. La communauté considère que les parents ont élevé un enfant vertueux et respectueux, capable de consacrer une partie de sa vie à l’enseignement du Bouddha, ils accumulent ainsi du mérite Boon (บุญ). Cela pourrait même, selon la croyance populaire, les guider vers le nirvana dans une future existence.
Nous quittons le temple pour rejoindre le temple du village voisin, le Wat Rong Khum. La raison est qu’il n’y a pas de hall d’ordination au Wat Ta Pong. Le hall d’ordination ubosot (อุโบสถ) est un bâtiment similaire au Viharn, mais il est réservé à l’usage des moines. Il est rare que les laïcs puissent entrer, et encore plus rarement une femme. Aujourd’hui, il nous est demandé de rester dehors.



Nous assistons au moment où le jeune Tornthep entre dans l’Ubosot et voyons que le moine principal Chao Awat (เจ้าอาวาส) l’y attend. Il est assis sur un siège devant le Bouddha, la communauté des moines sont assis sur les deux côtés. Tornthep s’agenouille devant le moine principal et le Bouddha en même temps. Depuis l’extérieur, nous regardons la cérémonie par la porte qui dure environ une heure. Lorsqu’il ressort, il est désormais moine. Il tient son bol d’offrande Bat (บาตร) dans les mains et reçoit des offrandes de la communauté qui se tient comme une haie à son passage.

La communauté se retrouve dans le hall de prière Viharn, les moines sont assis sur le côté. Le chef de la communauté fait un long discours, puis les 15 moines qui ont été les membres du comité d’ordination reçoivent des offrandes. Le moine Tornthep prend le micro et remercie tout le monde en thaï, en karen, et en anglais.
Le moine principal tient à offrir un mala (มาลา) aux invités étrangers, dont nous faisons partie. Il s’agit de l’équivalent bouddhiste du chapelet. Un fil contenant 108 boules en bois que l’on utilise pour réciter les mantras. Une dernière bénédiction est psalmodiée, tout le monde sort, la cérémonie est terminée.











Le texte et les photos de © Frederic Alix, 2025
Laisser un commentaire