Salaween.blog

A travel journal through culture and history. – blogging since 2014

Les accords de paix du pays Lawa

Dans le temps le plus ancien, bien avant la fondation de la ville de Chiang Mai, avant que cette région ne prenne le nom de Lanna, elle était la résidence des Lawa.

Ce récit de fiction est le premier d’une série de trois qui parle du peuple Lawa, autochtones de la région de Chiang Mai.

Prologue : Les Gardiens des Montagnes

Doi Pui, 26/01/2024
La forêt près du sommet de Doi Pui.

La forêt tropicale dense qui enveloppe le massif de Doi Pui est plongé dans la pénombre, quand le silence du crépuscule est brisé par un profond grondement. Ce bruit, c’est Ya Sae, une ogresse imposante, l’esprit de la montagne, qui se gratte le ventre avec impatience.

Ya Sae :
— J’ai faim !

Sudeva, son fils, un esprit plus jeune mais tout aussi redoutable, soupire en jetant un coup d’œil résigné.
— Mère, tu viens tout juste de manger ! Il y a quelques heures à peine, tu as dévoré des chasseurs et le sanglier qu’ils avaient attrapé. Comment peux-tu encore avoir faim ?

Ya Sae fixe son fils, l’air surpris, comme si cette question n’avait aucun sens pour elle.
— Bien sûr que j’ai encore faim ! Rien ne me suffit ! Ces humains ont été vite mangés, et le sanglier, trop petit ! (Elle jette un regard vers la vallée.) Nous sommes liés à cette terre, et la terra a toujours faim.

Doi Kham, 10/08/2024
Statue de Ya Sae (Doi Kham)

Le troisième géant, Pu Sae, émet un rire guttural, qui fait trembler les cimes des arbres. En tant que divinité ancienne et respectée, il incarne la force brute et la sagesse de la montagne.
— Ah, Sudeva, tu es encore jeune ! On mange tout ce qui marche sur deux ou quatre pattes, cette envie est éternelle, tout comme nous. Les humains ont peur de nous et c’est bien comme ça, c’est l’équilibre de la nature.

Ya Sae :
— (avec un sourire carnassier) Oui, peur… mais aussi respect. Ils savent que nous sommes les gardiens de ces montagnes, qu’ils doivent nous honorer, nous, les esprits de la nature. Sans leur crainte, ils n’apporteraient plus leurs offrandes. Nous devons leur rappeler ce lien.

Doi Kham, 10/08/2024
Statue de Pu Sae (Doi Kham)

Sudeva :
— (hésitant) Mais… j’aimerais qu’ils comprennent que nous ne sommes pas là uniquement pour les dévorer. Nous faisons partie de leur monde, comme ils font partie du nôtre. Nous les protégeons.

Pu Sae :
— (avec un regard perçant) Comprendre ? Ils sont trop petits pour saisir l’étendue de ce lien. Ils ne voient que des ogres affamés des plaisirs de la chaire, mais notre faim est celle de la montagne elle-même, un cycle éternel. Nous veillons sur eux, et leur peur n’est qu’une partie de cet équilibre.

Ya Sae :
— (se renfrognant) Peut-être qu’ils méritent d’être un peu plus effrayés. À force de prier les divinités lointaines, ils oublient l’importance de nos montagnes. Nous devons manger par plaisir pour maintenir l’équilibre. C’est ainsi que la terre et ses êtres vivent en harmonie.

Tandis que la nuit descend sur les montagnes, l’ombre des trois géants s’étend sur la vallée. Ces esprits cannibales, à la fois terrifiants et nécessaires, incarnent les forces de la nature sauvage. Ils représentent un équilibre puissant et mystérieux entre le monde des humains et celui de la nature, un équilibre qu’ils protègent, avec insatiable appétit, dans les montagnes de Doi Pui et Doi Kham.

Doi Kham, 10/08/2024
Le sanctuaire de Pu Sae et Ya Sae au pied de Doi Kham

Chapitre 1 : Une prière est entendue

Un jeune homme s’assit sous un grand arbre, seul dans la pénombre de la forêt, en proie à des pensées troublées. Le jeune homme, rempli d’espoir malgré sa peur, éleva sa voix dans une prière.

— Ô Bouddha, je t’implore, viens à nous. Dans notre village où règne l’obscurité, où les cannibales errent et où les chasseurs de têtes rôdent, nous sommes privés de la paix que tu enseignes. Les esprits de nos ancêtres hantent ces montagnes ; nous les craignons. Hier, le chef de notre clan a offert en sacrifice une jeune fille vierge aux esprits de la montagne. On dit qu’ils protègent notre terre, mais le prix à payer est trop douloureux. Que ta sagesse éclaire nos âmes et que nous puissions trouver la paix, dans ce monde sauvage et troublé. Viens, ô Bouddha, enseigne-nous l’amour et le respect, pour que nous puissions bâtir un avenir meilleur.

Sa voix se perdit dans les ombres des arbres.

Dans un royaume spirituel, le Bouddha perçut cette prière et le désarroi qui imprégnait la terre de Lawa. Il comprit que la situation demandait une intervention directe. 

La terre sauvage des Lawa n’est pas un lieu où les lois spirituelles de l’Inde peuvent s’appliquer sans adaptation, se dit-il. C’est un monde où chaque ruisseau et chaque arbre portent des significations profondes, où les esprits, bien que redoutés, protègent la terre. Toute tentative d’apporter paix et compassion doit respecter la relation sacrée entre les humains et la nature.

Chiang Mai, 3/05/2021
Le massif de Doi Pui, dominant la vallée de la Ping, vu depuis la fenêtre de l’auteur de ce texte.

Le Bouddha décida qu’il devait se rendre au Lawa en personne, sachant que la paix devait s’établir entre les hommes, la nature, les montagnes, et leurs esprits.

Ainsi commença son voyage vers Chom Thong, porteur d’une nouvelle vision de la paix, où l’enseignement de la compassion inclura aussi les puissances de la terre.

2. Chom Thong

Après avoir passé sept jours en méditation sur une montagne, le Bouddha descendit de l’élévation sacrée et se diriga vers Chom Thong, traversant une forêt dense sur près de vingt mille mètres pour atteindre la rivière Mae Ping. En arrivant sur ses rives, il aperçut un fermier Lawa utilisant une roue hydraulique pour irriguer ses champs. Le fermier, surpris par la venue du Bouddha, s’empressa de retirer le turban qui couvrait sa tête pour laver les pieds du Vénérable. Au moment où le tissu effleura l’eau, il se transforma miraculeusement en or.

Le fermier dit au Bouddha : « Ô Bienheureux, par votre bonté, demeurez parmi nous dans la haute vallée de la rivière Ping. »

Le Bouddha acquiesça avec un sourire apaisant, acceptant de passer la nuit au village des Lawa. En guise d’offrande, le fermier lui apporta deux curry de légumes. Le Bouddha les accepta avec gratitude et partagea un moment de méditation et de contemplation en silence, ce qui marqua profondément le fermier.

Umpang, 22/12/2019

Bouddha : Que représente l’eau de cette rivière Ping pour vous ?

Fermier : Cette rivière est notre source de vie, descendant des montagnes sacrées de Doi Pui et Doi Luang, que nous considérons comme la mère de toutes nos rivières.

Bouddha : Je comprends. Dans d’autres régions, comme le long du Gange, les gens vénèrent également un fleuve. Quelle est la différence dans vos croyances ?

Le fermier Lawa réfléchit un moment, son regard plongeant dans les eaux de la rivière Ping, comme s’il puisait sa réponse dans les profondeurs de celle-ci.

Fermier : La différence est qu’ici, nous connaissons la source de notre eau. contrairement aux habitants des plaines qui vénèrent le fleuve sans savoir d’où il vient. Nous appelons « Khun » les sources qui se trouvent sur nos montagnes, nous les respectons, et nous honorons les esprits de la nature. Parfois dangereux, les géants des montagnes sont aussi respectés comme des ancêtres. Ils sont le lien qui unit notre peuple à la terre. Nous devons satisfaire à leurs besoins et les laisser dévorer la chair de nos compagnons les plus appétissants, même si c’est terrible pour nous.

Le Bouddha, attentif, posa une main réconfortante sur l’épaule du fermier.

Bouddha : Ces esprits vous font-ils peur ?

Fermier : Oui, mais nous avons besoin de leur protection, et ils rendent nos récoltes abondantes. Le fermier marqua une pause puis continua. Certains d’entre nous ont lu vos paroles Ô Bouddha. Mais beaucoup pensent que si nous nous concentrons sur notre développement personnel, on négligera les esprits de la nature. Nous devons honorer nos montagnes, nos rivières et leurs esprits qui vivent ici. Si on abandonne nos croyances, alors, on aura de mauvaises récoltes et on va mourir de faim. 

Omkoi, 29/09/2014
Rizière dans la région de Chom Thong

Bouddha : Respecter la nature qui vous nourrit est une sagesse. Le chemin vers l’éveil ne vous demande pas d’abandonner ces traditions, mais d’y ajouter la paix intérieure. Les deux peuvent coexister, comme l’eau qui coule entre les pierres sans les déplacer.

Le fermier hocha la tête, ému par la sagesse qui émanait des paroles du Bouddha. Les enseignements qu’il avait entendus dans son village lui paraissaient désormais plus clairs.

Ce soir-là, le fermier murmura un chant de gratitude à la rivière et aux montagnes, conscient que sa vie venait de se transformer profondément.

Chiang Mai, 16/02/2024
Cascade de Huay Tung Tao

Chapitre 3 : L’observation silencieuse de Sudeva

Après sa rencontre avec le fermier à Chom Thong, le Bouddha choisit de s’installer sur un promontoire rocheux pour méditer faisant face au sommet du Doi Pui. Autour de lui les montagnes semblaient vibrer sous l’intense rayonnement du soleil. Le Bouddha sentait en ces lieux autant la souffrance et la peur des humains, que la présence vorace des géants cannibales.

Doi Pui, 30/10/2024
Sommet voisin du Doi Pui

A peine caché derrière des rochers, Sudeva, le fils de Pu Sae et Ya Sae, fixait le Bouddha d’un regard curieux. Ce géant, d’une stature imposante et d’une force redoutable, possédait pourtant une âme plus sensible que celle de ses parents. Habitué à voir les humains fuir devant lui, il était surpris de voir cet homme vêtu d’une simple robe ocre, assis paisiblement, les yeux fermés, sans aucune trace de crainte sur son visage. 

« Cet homme… Pourquoi n’a-t-il pas faim ? Pourquoi n’a-t-il pas peur ? » se demandait Sudeva, captivé par la sérénité qui se dégageait du Bouddha. 

Doi Pui, 30/10/2024
Empreinte de pied du Bouddha (sur le rocher) au sommet d’une montagne voisine du Doi Pui.

Plus il observait, plus il était touché par ce calme mystérieux. Quelque chose dans la présence du Bouddha semblait contredire toutes ses idées reçues sur les humains : ici se trouvait un être qui ne cherchait ni à dominer ni à se défendre, mais qui semblait en communion avec l’univers tout entier. La simple vue de cet homme en méditation éveilla en Sudeva un étrange mélange de respect et de curiosité.

« Il est libre de toute envie » se dit Sudeva.  

Dans un élan inhabituel, Sudeva ressentit le besoin de faire quelque chose pour cet être mystérieux. Silencieusement, il s’éloigna et chercha de l’eau fraîche à la source la plus proche. Il prit soin de remplir un bol de pierre de l’eau la plus pure, qu’il disposa à quelques pas du Bouddha, avant de retourner se cacher dans l’ombre des arbres.

Sudeva, aussi connu sous le nom de Suthep

Quand le Bouddha ouvrit les yeux, il remarqua immédiatement le bol d’eau, ainsi que la présence du géant qui l’observait en silence. Il saisit le bol, leva les yeux vers Sudeva sans aucune trace de peur, et inclina doucement la tête en signe de remerciement. Ce simple geste fit naître une onde d’émotions nouvelles dans le cœur du géant, qui n’avait jamais reçu de gratitude de la part de qui que ce soit.

Pris de confusion et d’une émotion qu’il ne comprenait pas, Sudeva se retira dans la forêt, mais ne put s’empêcher de revenir le soir pour observer le Bouddha en méditation. Il ressentait quelque chose de profond et d’inexprimable, une sorte de paix qui semblait le calmer et apaiser ses propres tourments.

4. Le sermon et les accords de paix au Prabudda Bat 4 Roï

Le Bouddha choisit le lieu idéal pour la conférence de paix : le Prabudda Bat Si Roï. Ici, sur un gros rocher il trouva les empreintes des pieds de trois Bouddhas qui l’avaient précédé. Il y ajouta son empreinte.

Wat Prabuttabat Si Roi, 15/12/2019
Quatre empreintes de pieds de Bouddha et de ceux qui l’ont précédé
Prabuddabat Si Roi, 27/10/2024
Sommet du rocher au temple Prabuddha Bat 4 Roï.

La nature environnante respirait la sérénité, mais une tension invisible s’installait, car les forces de la forêt s’approchaient. C’est à ce moment que les trois géants firent leur apparition, se dirigeant vers lui, emplis de l’intention de dévorer cet humain insolite. Il s’agissait de Grand-père Sae, de Grand-mère Sae, et leur fils, Sudeva.

Grand-père Sae, repérant le Bouddha, déclara d’un ton satisfait : – Quelle chance j’ai aujourd’hui ! Un festin de choix en vue !

Mais avant même qu’ils puissent attaquer, le Bouddha leur adressa un avertissement, avec une voix emplie de compassion et de sagesse :  

Ô Seigneurs Yakkhas, ne commettez pas cet acte. Les conséquences en seraient terribles pour vous et pour la région tout entière.

À ces mots, Grand-mère Sae, qui s’était approchée, arrêta son mari d’un geste. Elle venait de le reconnaître.  

Stop ! C’est celui que Mère Thorani, la Déesse de la Terre, a jadis protégé. Elle a vu en lui un être au cœur pur. Puis s’adressant au Bouddha : Tu n’es pas un simple mortel pas vrai ?

Le Bouddha répondit avec un sourire paisible :  

C’est bien vrai. J’apporte un message de paix aux êtres de cette région, pour mettre fin aux souffrances qui affligent les peuples qui vivent à vos pieds.

Grand-père Sae protesta :  

Mais c’est ainsi que fonctionne la nature ! Les grands mangent les petits, ainsi va le monde, Mère Thorani elle-même le sait !

Doi Pui, 26/01/2024

D’un ton calme, le Bouddha répondit :  

Non, Pu Sae. La nature fonctionne différemment. Le tigre mange pour survivre, et non par appétit insatiable. Vous, par contre, semblez manger sans jamais être rassasiés. Ce cycle d’avidité n’est pas le cycle naturel.

Vous avez cherché à combler un vide en consommant la chair humaine par plaisir, mais cette quête ne vous apportera jamais la paix, au contraire, cette quête insatiable vous maintient dans la souffrance.

Tout comme ceux qui poursuivent sans relâche des plaisirs éphémères — que ce soit par la chair ou par le désir des possessions matérielles — vous êtes piégés dans un cycle d’insatisfaction. Chaque bouchée que vous prenez ne fait qu’accroître votre faim. Ce désir insatiable est semblable à celui de ceux qui cherchent constamment des conquêtes sans jamais trouver de véritable connexion humaine. Vous êtes seuls et vides.

La satisfaction réside dans l’amour que nous partageons avec les autres.

Une fois qu’il eut fini son sermon, le Bouddha sourit aux géants, et il s’ensuivit un moment de silence.

Sudeva, le jeune géant, intervint :  

Bouddha, j’ai déjà entendu tes paroles dans les trois paniers de la sagesse. Tu parles d’abolir la souffrance et cela m’interpelle. Je ne veux plus être la cause de douleur.

Le Bouddha regarda Sudeva avec bienveillance et ajouta :  

Sudeva, tu as un cœur noble, et je vois que tu es prêt à écouter. Et vous, Pu Sae et Ya Sae, vous êtes des esprits affamés, mais dans le fond vous êtes insatisfaits et seuls.

Il marqua une pause, puis poursuivit d’une voix douce :  

Imaginez un monde où vous n’avez plus besoin de la souffrance d’autrui pour trouver du contentement. En renonçant à cette pratique, vous pourriez enfin ressentir la paix intérieure. Sudeva, je te sens prêt à devenir un guide pour tes parents vers cette voie de compassion.

Un silence s’installa. Les paroles du Bouddha résonnaient en eux, remettant en question leur nature même. Grand-père Sae prit la parole d’un ton tranchant :

Les humains ne sont pas digne de confiance, s’ils arrêtent de respecter les esprits de la nature, ils vont tout détruire.

Si les humains suivent mon enseignement, ils ne commettront pas de crime, mais je t’accorde qu’il faut qu’ils conservent le culte aux esprits comme un lien avec le concret,, s’ils respectent la création, alors vous leur accorderez de bonnes récoltes. Mais vous ne pouvez plus les manger et les terroriser. Vous devez établir une relation de respect mutuel.

Grand-mère Sae prit alors la parole :  

Ce que tu nous demandes est un gros effort. Je ne suis pas sûre de pouvoir éternellement me passer de viande humaine. Je veux bien faire un effort tant que tu seras en vie, mais je ne promets rien si tu meurs.

Je vivrai aussi longtemps qu’il y aura des personnes qui réciteront mes paroles et en méditeront leur sens.

Ca va faire long… ne pourrais-je pas goûter un seul humain par an ?

Le Bouddha secoua doucement la tête :  

Ce n’est pas possible. Mais je vous offre un compromis. À chaque année, le prince des lieux vous offrira un buffle, si vous renoncez à jamais à la chair humaine.

Sudeva, lui, inclina la tête, acceptant immédiatement.  

— Je choisis le chemin de la paix. J’abandonne le désir de chair humaine, et je me tournerai vers la méditation et la nature pour y puiser ma force. Je serai végétarien.

Je te félicite Sudeva pour ton choix. Pu Sae et Ya Sae, si vous acceptez tout ce qui a été dit, alors on construira des sanctuaires pour propager mon enseignement. Vous aurez votre place dans ces sanctuaires, et les humains respecteront les esprits tutélaires que vous êtes dans un but d’harmonie et de respect mutuel.

Tu veux dire que même nos esprits féminins (et on en a beaucoup) seront vénérés dans tes temples? demanda Ya Sae et ajouta avec un sourire ironique, ils ne sont pas très ouverts au féminisme les moines de tes temples.

— Ce qui est promis pour ce pays, c’est un chemin où mes enseignements et vos esprits tutélaires coexisteront. Les sanctuaires honoreront la nature et l’harmonie entre tous.

Touchés, Pu Sae et Ya Sae, bien que réticents, ôtèrent leurs crocs et promirent de suivre les conditions posées par le Bouddha. Le Bouddha les bénit, arracha une mèche de ses cheveux et la tendit aux géants. 

Choisissez un lieu que vous considérez comme important et consacrez cette relique de mon corps physique dans un stupa. En vous prosternant devant cette relique rappelez-vous la voie de la compassion et de l’harmonie avec tous les êtres vivants ainsi vous trouverez satisfaction et sérénité.

Doi Kham, 10/08/2024
sanctuaire dédié à Ya Sae à côté du stupa de Doi Kham
qui contient la relique des cheveux du Bouddha.

Ya Sae ramena la relique sur le Doi Kham, où elle construisit un stupa pour honorer son engagement. Chaque jour, elle longeait le flanc des montagnes, se nourrissant des offrandes que les humains déposaient dans les San Pra Phum. Bien qu’elle respectât l’accord passé avec le Bouddha, une tentation sournoise l’assaillait. Elle ne pouvait s’empêcher de sentir l’odeur de la chair humaine, une fragrance qui éveillait en elle des souvenirs d’un régime cannibale. En observant les humains jouer dans les ruisseaux, elle se demandait si elle allait un jour céder à cette tentation. Accroché à un arbre, un portrait du Bouddha flottait doucement dans le vent, lui rappelant que tant qu’il était en vie, elle devait tenir sa promesse encore une année. La lutte entre son désir ancien et son engagement nouveau se faisait de plus en plus pressante, la poussant à vérifier chaque année la vitalité du Bouddha dans la ferveur des dévotions humaines.

Pu Sae monta au sommet de la montagne appelée Doi Oichang et médita sur l’enseignement du Bouddha. En tant que gardien de la loi, il ne trouva rien dans le Dharma qui contredisait les lois de la nature. Il était déterminé à respecter l’accord établi avec le Bouddha, tant que les humains honoreraient les règles naturelles. Du haut du Doi Oichang, Pu Sae surveillait la vie dans la vallée de la rivière Ping. 

Sudeva devint moine-novice le temps d’étudier les écrits du Bouddha, puis renonça à la vie monacale pour devenir ermite et s’installa dans une grotte près du Doi Oichang. Il est aujourd’hui connu comme étant le Sage de la Montagne, on l’appelle l’ermite Suthep.

Doi Kham, 10/08/2024
Statue de Pu Sae et Ya Sae, considérés comme les grands-parents de la terre.

Texte et photos : © Frédéric Alix, 2024

Ce texte fait partie d’une série de trois textes sur les Lawa.

Dans le prochain texte, nous faisons la connaissance de Vilanka, un puissant chef de clan au coeur brisé.

Bibliographie :

  • Nimmanahaeminda, Kraisiri. (1967). The Lawa guardian spirits of Chiangmai. In the Journal of the Siam Society 55.
  • Ongsakul, S. (2005). History of Lan Na. Chiang Mai: Silkworm Books.
  • Penth, H. (2004). A brief history of Lanna: Northern Thailand from past to present. Chiang Mai: Silkworm Books.
  • Rhum, M. R. (1987). The cosmology of power in Lanna. Journal of the Siam Society, 75, 91–106.
  • Satyawadhna, C. (1991). The dispossessed: An anthropological reconstruction of Lawa ethnohistory in the light of their relationships with the Tai (PhD thesis). Department of Anthropology, Research School of Pacific and Asian Studies, The Australian National University, Canberra, ACT.
  • Wichienkeeo, A. (2006). The Lua of Lanna: A study from Lanna archives. In C. Satyawadhna, Community rights in Thailand and Southeast Asia (Project code RDG4210014V12, pp. 165). Thailand Science Research and Innovation.
  • Wyatt, D. K. (2003). Thailand: A short history. New Haven, CT: Yale University Press.
  • Young, G. (1962). The hill tribes of northern Thailand. Bangkok: The Siam Society.
  • สุรพล ดำริห์กุล. (2567). เมืองประวัติศาสตร์เชียงใหม่ คุณค่าอันโดด. กรุงเทพฯ: เมืองโบราณ.
    Pr. Suraphon Damrihkul, La ville historique de Chiangmai, valeur universelle exceptionnelle.
Posted in , ,

2 réponses à « Les accords de paix du pays Lawa »

  1. Avatar de Vilanka : le récit du roi des Lawa  – Salaween, un journal de voyage

    […] précédent texte : Les accords de Paix du pays Lawa […]

  2. Avatar de L’Apocalypse du Lapin à Chiang Dao – Salaween, un journal de voyage

    […] série consacrée aux légendes du peuple Lawa, les premiers habitants de la région de Chiang Mai.Les accords de Paix du Pays LawaVilanka, le récit du roi LawaL’Apocalypse du Lapin Blanc de Chiang DaoToutes ces légendes […]

Répondre à L’Apocalypse du Lapin à Chiang Dao – Salaween, un journal de voyage Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.