Un portrait au mur

On ne s’en rend pas toujours compte, dans le quotidien du voyage, on vit quelque fois des moments historiques. Ce matin de premier janvier, c’est un nouveau calendrier au mur qui montre que le pays a changé. 

Mandalay, le 1er janvier 2012

Je me suis réveillé tôt. 2012 a commencé depuis quelques heures, je marche dans les rues poussiéreuses de Mandalay que j’aime tant.

Voilà six ans que je viens régulièrement au Myanmar.

Amarapura, 01/01/2012

Pour mon premier voyage en 2006, j’avais dû signer un contrat à l’arrivée, contenant une série de clauses :  « Je m’engage à ne pas poser de questions concernant la politique et à ne pas interférer aux affaires intérieures du pays. »

Je ne suis qu’un observateur.

Mon contrat signé à la frontière terrestre sino-birmane ne faisait aucune mention du Prix Nobel Aung San Sur Kyi, mais je savais qu’il était interdit de prononcer son nom.

Je me suis toujours tenu à ces règles et ai respecté la loi du pays. Parce que je considère que mon rôle de voyageur est un rôle d’observateur. Et parce que je ne veux pas que mes maladresses attirent des problèmes aux gens que je rencontre.

Je me souviens des fois où les gens parlaient avec moi, il y avait presque toujours une personne qui venait tendre l’oreille.

Une fois que je traversais un parc à Yangon, un garçon était venu me parler de politique. On était seuls sur le chemin et il était intéressant de l’écouter. Au moment où l’on a croisé d’autres promeneurs, il a changé de sujet pour me parler du beau temps.

Une autre fois, alors que j’admirais une statue du Général Aung San, père de Aung San Sur Kyi et instigateur de la décolonisation je me suis écrié naïvement :

Mais c’est le père…. Mon interlocuteur est devenu blanc, il se voyait déjà derrière les barreaux. Je me suis vite rattrapé:

… c’est le père de la Nation!  Mon interlocuteur soulagé a repris une respiration normale.

Comme le portrait du Dalaï Lama au Tibet, il n’est pas permis de montrer un portrait d’Aug San Suu Kyi, ou même de prononcer son nom. Cette femme têtue, qui a fait le choix de sacrifier sa famille pour tenir tête seule à la dictature militaire incarne la résistance.

Ce matin, le monde a changé 

Ce matin, 1er janvier 2012, je quitte le centre de Mandalay, je m’engouffre dans un pick-up en direction de Sagaing. Je descends à la hauteur d’Amarapura, marche quelques kilomètres sur un chemin de terre, j’observe une femme qui étend son linge sur des troncs de bambou.

Je prends quelques photos, puis m’assieds sur une chaise en plastique rouge d’un tea-shop en plein air. Je commande un café. J’observe un groupe de moines qui boivent du thé et rigolent. Je prends des photos puis mon regard glisse vers l’intérieur de la cabane. Je me retrouve face à quelque chose de complètement inédit ! Je n’en crois pas mes yeux, je me lève pour aller vérifier. Au mur, est accroché une photo de Aung San Suu Kyi. C’est  le calendrier de 2012. La Dame de Rangoon! Celle dont il était interdit de prononcer le nom il y a peu de temps encore illustre le calendrier de l’année qui a commencé il y a quelques heures.

Une vielle femme assise derrière le comptoir me sourit. Elle me regarde admirer le calendrier, son visage vient de s’éclairer, je vois sa joie et sa fierté s’exprimer. L’année 2012 marque le début d’une nouvelle période pour le Myanmar. L’espoir d’un avenir heureux n’est plus un rêve fou.

Amarapura, 01/01/2012

photos : ©fredalix 01/01/2012 @ Amarapura

Catégories Myanmar - Birmanie

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