Luang PraBang (Laos.4)

Journal de voyage du mardi 7 février 2006

Gare routière de Oudom Xai, nord du Laos. Il est sept heures trente du matin. Il y a de la brume. Une foule tranquille de passagers se presse autour de plusieurs petits bus et camionnettes qui vont partir dans toutes les directions. Je retrouve Joy la canadienne qui enseigne l’anglais à Kunming, son amie Marika qui arrive de Vancouver et Birgit l’allemande qui apprend le chinois. Nous achetons nos billets et attendons devant le minibus pour Luang Prabang.

Un message dans le haut-parleur annonce notre départ en lao puis en anglais: « The bus for Luang Prabang is leaving now, good luck!« .

Durant le trajet, Birgit m’explique qu’elle a été jeune fille au pair en France pendant quelques temps et qu’elle a appris le français. S’en suit un long monologue dans lequel je reconnais les mots en français mais auquel je ne comprends strictement rien! Le minibus roule très vite sur la route sinueuse et accidentée qui traverse les montagnes du Nord-Lao. J’essaie de me concentrer sur la route pour éviter le mal de voyage. Birgit doit penser que je n’ai pas envie de parler avec elle.

Luang Prabang, février 2006
Luang Prabang en 2006 depuis Phu Si.

Lorsque l’on arrive à Luang Prabang, je me sens responsable de ma petite troupe. Je leur propose de m’attendre pendant que je vais chercher un guesthouse. Nous avons besoin de 4 chambres et nos budgets sont limités.

Dans une venelle, je trouve un guesthouse très sympathique tenu par un couple d’enseignants à la retraite qui veut immédiatement me gaver de bananes et me faire asseoir pour que je boive un thé. Ils n’ont qu’une seule chambre de libre, mais 50 mètres plus loin j’en trouve trois autres. Je reserve le tout, et je retourne chercher ma petite troupe. Joy m’explique discrètement qu’il faut que Marika ait la plus belle chambre parce qu’elle arrive de Vancouver et qu’elle n’a jamais quitté le Canada de sa vie. Elle aura la chambre chez le couple d’enseignants.

Je suis surpris quand je vois Joy a remplir le livre du guesthouse: elle a dit avoir 71 ans. Je lui en aurai donné beaucoup moins tellement il est surprenant de la voir galoper ainsi.

Luang Prabang, 2/11/2012
La très sympathique propriétaire du Guesthouse Oudomphon achète des bananes au marché pour les offrir à ses hôtes. (photo 2012)
Luang Prabang, 07/02/2006
Luang Prabang et ses maisons coloniales est classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO

Mercredi 8 février 2006Décevante et fascinante Luang Prabang

Suis donc arrivé hier a Luang Prabang et j’ai eu un petit choc en me retrouvant dans cette ville musée où grouillent de centaines de touristes vêtus de leurs habits de trekking neufs qu’ils ont acheté tout spécialement pour leur voyage.

Je suis déjà venu à Luang Prabang en mars 2004 (c’était pendant l’année de mon tour du monde). A ce moment là, on ne voyait pas à cinquante mètres. Les brûlis pratiqués par les paysans dans les champs à flanc de montagne avaient pris une telle importance, que la fumée avait complètement envahi la ville. On ne pouvait que deviner le soleil à midi. J’étais très déçu de ne pouvoir voir Luang Prabang sans une bonne lumière et dans cette ambiance grise.

Luang Prabang, février 2006
Luang Prabang et le Mekong avec le soleil de 2006

Les temples ont-ils une âme ?

Je suis impressionné de voir à quel point la ville a été rénovée et… ne présente ainsi plus autant de charme. Les temples rénovés paraissent vidés de leur âme. Les habitants du centre ont pour la plupart transformé leur maison en guesthouse qui sont beaucoup plus chers qu’ailleurs au Laos. Il y a beaucoup de restaurants qui proposent de hamburgers et des pizzas. Le centre de la ville historique semble attendre les visiteurs et ne vit plus d’autres plaisirs que celui d’ouvrir le tiroir-caisse.

Les touristes tombés de l’avion

Hier, j’ai surpris une conversation entre un touriste (accompagné de sa femme occupée à prendre des clichés) et leur guide local. Le guide expliquait que le canon placé au sommet de la colline avait servi pour la guerre.

– Mais quelle guerre ? demande l’homme. Vous n’avez pas eu de guerre!
Le guide surpris:
– Notre guerre, qui a duré 30 ans.
– Mais enfin vous, vous ne l’avez pas connue. Essaie de se rattraper le touriste.
– Oui, je l’ai connue, j’étais un enfant. La guerre s’est finie en 1975.

Le touriste ignorait que le Laos avait connu la pire guerre qui soit. Une guerre qui a été simplement subie comme un dommage collatéral de la terrible guerre du Vietnam. Les Américains qui bombardaient le Vietnam avaient pour ordre de vider les bombes inutilisées sur le Laos voisin. Les USA pensaient que pour plus de sécurité, face à la menace communiste, il valait mieux bombarder le Laos par la même occasion. Au plus fort de la guerre, il décollait et atterrissait à la base militaire de Phonsavan (Laos) plus d’avion que dans n’importe quel aéroport au monde. C’est ainsi qu’il est tombé sur le Nord-Laos une demi tonne de bombes par habitants, qui ont détruits villages et villageois. On l’appelle aujourd’hui “la guerre secrète”. Mais ce n’est plus un secret.

Comment peut-on aujourd’hui visiter le Laos sans savoir qu’il est le pays qui a le plus souffert de la guerre du Vietnam? Comment peut-on ignorer ce drame vécu il y a quelques décennies qui a tué une grande partie de la population?

En descendant de ma montagne, je ne pensais pas me casser le nez sur des touristes tombés de leur avion. C’est un choc de retrouver cette civilisation occidentale dans ses habits de trekking neufs, bâillant en écoutant un guide, qui a réussi à transformer l’ancienne ville royale, en un parc d’attractions.

Luang Prabang, 08/02/2006

Je suis grognon

Ce matin, je suis d’humeur ronchonne. J’ai décidé de ne visiter que quelques lieux et de repartir le plus tôt possible. Mais, je visite de plus en plus lentement, je me laisse aller à la contemplation, je discute avec quelques novices qui apprennent l’anglais, j’échange quelques mots avec des touristes qui semblent comme moi intéressés a l’architecture, je me perds dans des venelles pavées, je mange ma soupe du matin dans une échoppe avec les guides en pause de leurs groupes.

Un peu plus tard, après avoir passé un long moment dans une école d’art où les jeunes Laos apprennent les techniques du dessin, de la peinture et de la sculpture, je m’installe au bord du Mékong où je mange une salade de papaye. Autour de moi se trouvent les chauffeurs des bateaux qui cherchent à vendre leurs services aux touristes pour les emmener visiter les grottes de Pak Ou en amont du fleuve. Je plaisante avec eux. Ils sont étonnés d’une part que je puisse articuler quelques mots en lao, mais surtout de me voir manger avec autant de piments sans avoir la bouche en feu et le visage écarlate. Ils me font remarquer dans un éclat de rire qu’avec autant de piments je ne vais pas avoir de problème d’érection… et c’est à ce moment que je suis devenu tout rouge.

Je me promène à l’extérieur du centre historique et observe les habitants vaquer a leurs occupations normales. Je crains d’être pris par la fameuse fièvre acheteuse en passant devant le marché des artisans. Maintenant que j’ai visité plusieurs provinces laos, je sais que l’artisanat qui se vend ici est vraiment d’ici, et j’avoue qu’ils ont de très belles choses… J’ai beau me moquer des touristes, j’en suis un vrai moi aussi!

Luang Prabang, février 2006
Wat Xieng Thong, (du précédent nom de la ville « Chiang Thong »), est le plus beau temple de tout le Laos. Il est construit dans un style proche de celui de Chiang Mai, avec des toits qui s’emboitent et descendent presque jusqu’au sol.
Luang Prabang, 09/02/2006
Positions du Bouddha du style Lan Xang (du nom du nom de l’ancien Royaume du Million d’éléphants dont Luang Prabang a été la capitale). Celui qui montre les deux mains demande la paix. Celui qui a les deux bras qui pendent le long du corps appelle la pluie.

Repas avec les Canadiennes de Chine

Ce soir, nous allons manger tous ensemble: Joy, sa copine Marika et Birgit l’Allemande sinophile. Nous commandons plusieurs plats que nous nous partageons. Je crois qu’elles n’aiment pas beaucoup la salade de papaye que j’ai commandée. J’étrangle mon rire en les voyant essayer de découper le riz gluant avec une fourchette. Le riz colle tellement qu’elles font plier la fourchette. Je me demande à quoi ressemble la Chine. Elles ne sont pas habituées à manger avec les doigts, elles trouvent les aliments trop épicés et s’extasient devant les arbres en fleurs. La Chine serait-elle un pays terne ?

Joy me fait beaucoup rire. Quand quelqu’un lui annonce un prix en dollars, elle prend un air fâché et demande : « Quels dollars ? Je ne sais pas combien ça fait ! On est au Laos et moi je vis en Chine, alors vous pouvez me parler en Kip ou en Yuan. Je ne suis pas américaine, je suis canadienne, vous voulez des dollars canadiens? singapouréens? australiens ?»

Luang Prabang, 08/02/2006
Luang Prabang, 02/2006
Bas-relief où l’histoire et les légendes se mélangent

Jeudi 9 février 2006 dans les grottes de Pak-Ou

J’ai proposé à Joy, Marika et Birgit d’aller visiter les grottes de Pak-Ou, en amont du fleuve. J’ai négocié le trajet avec un batelier et nous voilà remontant le courant du Mékong.

Nous faisons un premier arrêt au village qui fait face aux grottes. Les maisons des villageois sont aménagées pour accueillir les touristes et leur présenter la distillation du fameux Lao-Lao, l’alcool de riz. Les alcools les plus chers sont conservés avec un serpent à l’intérieur. La croyance populaire donne des vertus aphrodisiaques à ce mélange d’alcool et de reptile (non! je ne goûterai pas).

Après degustation (sans serpent), je repars avec une petite fiole qui fera de moi un alcoolique dans les jours à venir.

Luang Prabang, 09/02/2006
Le village de Pak Ou vu depuis les grottes. « Pak Ou » veut dire « embouchure de la rivière Ou ».

Les grottes ne sont pas grandes, à vrai dire ce ne sont que de grandes cavités, mais elles contiennent des milliers de statues de Bouddha dont la plupart sont très anciennes et de style Nord-Lao, cousin du Lanna. Dans quelques années, quand j’aurai étudié plus précisément les différents styles je regretterai de n’avoir pas pris de meilleures photos.

On peut voir des Bouddha en méditation, en enseignement, demandant la paix, appelant la pluie, ou celui représentant l’étape ultime menant au Nirvana: le Bouddha couché.

Luang Prabang, 09/02/2006
Luang Prabang, 09/02/2006
Luang Prabang, 09/02/2006

Demain je remonte à Oudom Xai. Mais avant de partir en Chine, j’ai envie de visiter la province de Phongsali à l’extrême nord-est.

Luang Prabang, 10/02/2006
Au Laos aussi on mange avec des baguettes.
Luang Prabang, 02/2006
fruits et légumes arrivent au marché par bateau, et repartent pas bateau.
Luang Prabang, 02/2006
Marché du matin, panier à commission sur l’épaule.
(les palanches, bien que vietnamiennes, sont utilisées au Laos aussi,
mais surtout par les vendeurs de rue).

Je suis souvent revenu à Luang Prabang, et presque à chaque fois j’ai logé chez le couple d’enseignants.

Luang Prabang, cette ville que je déteste pour ce qu’elle est devenue, et que j’adore pour ce qu’elle est restée, je pourrais vous en parler encore longtemps. Si vous le voulez, je vous ferais découvrir d’autres aspects de cet endroit dans un prochain post. Mais avant, la suite du récit de 2006 se poursuit vers Oudom Xai puis Phong Sali. A bientôt!


Toutes les photos et le texte ©Frédéric Alix, février 2006

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2 réflexions sur « Luang PraBang (Laos.4) »

  1. Quelle histoire interessante et bien racontee..Ca me donne envie de decouvrir ce pays. Tu me fais souvent sourire par quelques passages rigolo. Cette Marika de Vancouver a fini par sortir du pays… j’espere que ce voyage l’a incitee a voyager plus. Tu es trop gentil d’aider ces dames a trouver une chambre etc. Mais c’est bien que tu le sois !! Je ne savais pas vraiment que la position des mains du Buddha a differentes significations. Bravo a toi eleve Fred de vouloir en apprendre plus toujours ! merci de ce partage .

  2. ah oui les photos sont super aussi …:-)

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