Journal de voyage au Laos, puis en Chine et en Birmanie, février à avril 2006. Ceci est le cinquième épisode. Dans le précédent texte je vous ai parlé de Luang Prabang où je suis venu passer deux jours. Aujourd’hui je retourne au nord, à Oudom Xai.
Vendredi 10 février

Hier, dans les bureaux qui vendent les billets de bus aux touristes on m’a affirmé qu’il n’y a qu’un seul départ pour Oudom Xai, à 7h du matin. Je n’ai rien voulu croire. Donc en fin de journée, j’ai traversé les quartiers nords de Luang Prabang à pied. C’était l’heure d’un feuilleton thaïlandais et tous les postes de télévision étaient allumés dans toutes les maisons. Partout on semblait fasciné par un drame télévisé qui se déroulait dans un univers de riches thaïlandais vivant dans de larges maisons aux dorures clinquantes, un drame amoureux que même les voitures de luxe étincelantes n’arrivait à calmer.
J’ai traversé un pont en fer et bois long de trente mètres au-dessus de la Nam Khan, longé la piste de l’aéroport et suis arrivé à la gare routière nord. J’ai eu la confirmation qu’il y avait un bus vers midi. Pourquoi vouloir se lever si tôt quand on peut partir vers midi ? Je suis rentré, fier de moi, demain je n’aurai pas à me lever aux aurores. Ma paresse me fait marcher des kilomètres.
Ce matin, j’ai pu boire tranquillement mon café-lao au marché de Luang Prabang sur le quai surplombant le Mékong, en surveillant les achats et ventes des oranges.

Birgit reste encore un jour à Luang Prabang, puis elle ira plus au sud. Joy et Marika remontent sur la Chine, elles veulent maintenant aller visiter la ville historique de Dali, elles sont infatigables. Connie, une britannique, remonte aussi vers le nord avec son fils. Elle habite à Lijiang en Chine où elle élève seule sont enfant. Elle aussi enseigne l’anglais. Elle m’a confié avoir un problème de visa de travail, mais je n’ai pas bien compris. Si Joy prend la peine de bien articuler, Connie mâche ses mots et je ne comprends pas tout. Nous allons prendre le même bus pour Oudom Xai. J’organise notre déplacement.
Je demande au propriétaire du guesthouse (qui fait aussi chauffeur de tuk-tuk) de nous emmener à la gare routière nord. Nous décidons du prix de vingt mille kip par personne.
Une fois arrivé à la gare routière, le chauffeur tuk-tuk fait payer tout le monde, et sans que les autres passagères ne le remarquent, il ne me demande que dix mille kip. « C’est toi qui a tout organisé, tu as droit à une réduction » qu’il me dit en me faisant un clin d’oeil.
Nous embarquons dans le minibus qui part vers midi. À nous tous, nous occupons la moitié des sièges. Le route serpente entre les montagnes. J’ai l’impression que le chauffeur roule sans retirer le pied de l’accélérateur. Je ne sais pas combien de poules nous avons deja renversé en traversant les villages. Tout semble s’envoler sur notre passage. Les feuilles de bananier et les herbes posées sur les bords de la route pour sécher giclent dans le décor. Vous me direz que les villageois n’ont pas à utiliser la route pour faire sécher leurs récoltes, mais c’est un endroit sec et le bitume concentre la chaleur.
Nous faisons un arrêt. Le chauffeur du bus me demande en lao (comme si j’étais parfaitement bilingue) quel âge ont les deux femmes qui voyagent avec moi (il pense que l’une d’elle est ma mère). Quand je lui dis que Marika a 65 ans et Joy 71 ans, il ne me croit pas. Il me dit qu’à cet âge là on marche avec une canne et on ne sort plus de son village.
Marika me dit qu’elle a un fils de mon âge qui me ressemble. Je lui réponds que c’est tout à fait normal puisque j’ai une mère de son âge qui lui ressemble. Marika et Joy sont d’origine tchèques. Leurs familles ont fui la guerre alors qu’elles étaient enfants et ont trouvé refuge au Canada. Joy a énormément voyagé dans sa vie, vivant notamment en Amérique du Sud plusieurs dizaines d’années. Marika n’a plus jamais quitté le Canada, cela n’a pas empêché les deux amies d’enfance de toujours garder un contact malgré la distance.

Arrivés à Udomxai, Joy et Marika s’installent au petit Guesthouse en face de la gare routière pour ne pas avoir à transporter leurs bagages trop loin. Moi, je choisi un guesthouse plus central, tenu par une famille chinoise. Connie et son fils y prennent aussi une chambre. Voyant arriver le fils de Connie, le Chinois ouvre les bras, le fils, du haut de ses dix ans, va se faire cajoler comme un poupon. Le Chinois va chercher des biscuits, des sucreries et des bananes qu’il offre à l’enfant qui les a prend comme si il s’agissait d’une énième offrande. Connie intervient pour qu’il dise « xie xie » (merci).
J’ai aussi de gentilles attentions: la fille Chinoise vient dans ma chambre m’apporter un grand verre de thé au jasmin. Les Chinois sont nettement plus bruyant que les Laos. Ils discutent à forte voix en jouant au Ma-Jong jusqu’à une heure où tous les Laos sont couchés depuis longtemps. (Vous me direz qu’il est impossible de faire moins bruyant que des Laos.)

Le centre d’Oudom Xai est entièrement chinois à en lire les inscriptions sur les murs des maisons. D’ailleurs des investisseurs venus du puissant voisin sont en train de construire un centre commercial démesuré dans la maigre ville.

Je vais me promener. Je traverse un petit marché situé en sur la route du sud-ouest qui part en direction de Pakbeng. A cette heure avancée de la journée, on y trouve encore quelques rats invendus au « rayon boucherie ». Le sol est mouillé, pourtant je ne crois pas qu’il ait plu.

Plus bas, traversant un pont en bambou suspendu, j’arrive dans un village. Je veux faire des photos. Mais je sens une présence malintentionnée derrière moi. Un homme, tenant un grand couteau, me suit. Ses habits sont sales et déchirés. Sur son passage, les chiens aboient. Je presse le pas, il accélère aussi. J’entends un ricanement. Je garde mon calme. Lorsque j’arrive à la hauteur de gens qui m’inspirent confiance, je m’arrête, attends qu’il passe en grommelant et je fais demi-tour. Je ne sais pas si la soupe de farang est une des spécialités de ce village. Je n’ai pas pris de photo et suis reparti d’un bon pas, traversant à nouveau le pont en bambou pour rejoindre le centre d’Oudom Xai.

Le soir, je retrouve Joy, Marika, Connie et son fils, nous mangeons ensemble. Demain nous partirons chacun de notre côté. Je ne le sais pas encore, mais je reverrai Joy et Marika, par hasard, dans la grande ville chinoise de Kunming dans dix jours.
le texte et toutes les photos ©Fred Alix, février 2006 à Luang Prabang et OudomXai.
Merci de m’avoir lu. Dans le prochain épisode je monte à l’extrême nord du pays, dans la province de Phong Sali.
des rats au marche.. yeurk! comme les chiens au marche du Vietnam ! c’est de la viande mais j’aimerais pas trop gouter. Tu as eu un peu peur quand meme avec le monsieur au couteau. il avait faim ?? il devait savoir que tu etais un touriste .. bref, heureuse de lire que rien de facheux est arrive. C’est sympa ces rencontres avec les dames qui voyagent aussi.. un peu comme sur le Chemin de Compostelle… tu vas les revoir sans l’avoir prevu … 🙂 il est 6 pm -vendredi- chez moi au moment ou j’ecris ces lignes… et pour toi c’est deja samedi matin. Beau reportage « Tintin-Fred ».