A Pitsannulok, au nord de la plaine centrale thaïlandaise se trouve une fonderie qui porte le nom de son fondateur: le Sergent-major Thawee Buranakhet. On l’appelle affectueusement Oncle Jah. Je me suis souvent arrêté à Pitsannulok, c’est une étape agréable, la ville est bâtie sur les rives de la rivière Nan. A chacun de mes passages, je suis venu « jeter un oeil » dans l’atelier où « prennent vie » des centaines de statues pour la plupart destinées à un usage religieux.
Lorsque l’on visite la fonderie du Sergent-major Thawee, on comprend que la fabrication d’objets en métal requiert à la fois une maitrise de la soudure, et un doigté artistique.
Le Bouddha Chinnarat
Pitsannulok est connu pour son temple le Wat Pra Si Rattana Mahatat qui abrite la très sainte statue du Bouddha Chinnarat.
Il s’agit d’une image du Bouddha en position assise, la main droite touchant le sol dans une attitude que l’on appelle « prendre la terre à témoin », histoire relative à l’épisode où il a vaincu Mara (équivalent du diable). Le Bouddha dans son compbat contre les forces du mal aurait puisé son énergie dans la terre.
Cette statue, vielle de près de mille ans est une des images les plus vénérée du pays, on dit que c’est la plus belle statue du Bouddha jamais réalisée.
Biographie du sergent-major Thawee Buranakhet.
Thawee Buranakhet nait en 1932 dans un petit village de la province de Pitsannulok. Il est le deuxième enfant de la famille.
Le jeune Thawee va à l’école primaire de Pitsannulok. Comme dans beaucoup de familles modestes, les parents élèvent leurs nombreux enfants mais n’ont pas eu les moyens de leur offrir des études. Thawee aide son père artisan dans l’atelier familial. Puis, il part vivre à Bangkok où il travaille comme peintre dans de nombreux petits ateliers.
Ainsi, sans avoir fréquenté les hautes écoles, il acquiert des connaissances et des expériences au contact des artisans.
En 1953, l’armée thaïlandaise recherche un artiste peintre, Thawee postule et obtient le poste. Pendant plusieurs années il dessine des cartes militaires. En 1959 il entre au département des Beaux-Arts et apprend le métier de fondeur de métal auprès des meilleurs professeurs du pays.
En 1960, il se marie, et avec sa femme Phim ils auront six enfants.
Un artiste gradé sergent-major.
Le Sergent-Major Thawee peut se vanter d’avoir obtenu ses grades militaires grace à ses talents artistiques. Il a notamment modelé et moulé le monument du roi Naresuan qui trône à l’entrée de la caserne de Pitsannulok. En 1978, après 23 ans au service gouvernemental, il démissionne et commence une nouvelle vie comme artiste indépendant.
Thawee Buranakhet crée la première fonderie d’images de Bouddha à Phitsannulok. Lui-même ayant commencé sa formation aux côtés de son père, il forme ses enfants, ses petits-enfants et toutes les personnes qui se montrent intéressées par ce domaine. Beaucoup de ses élèves ont ensuite pu établir leurs ateliers et exercer seuls cette profession.
collectionneur des objets de la vie courante
Au cours de sa vie, Oncle Jah Thawee s’est beaucoup intéressé aux objets du quotidien, aux objets artisanaux qui forment ce qu’il appelle la « sagesse populaire ». Pendant 30 ans, il a collecté des milliers d’objets avec son argent personnel.
Sa femmes et sa famille ont pensé qu’il était en train de développer désordre mental en le voyant récupérer des objets inutiles, s’enferrant dans son garage pour réparer des vieilleries, les classant et les répertoriant méticuleusement. Il a ouvert son « musée populaire » en faisant tout lui-même accueillant les visiteurs et leur offrant des visites guidées gratuitement, avec l’espoir que ces collections seraient reconnues comme faisant partie du savoir populaire.

Aujourd’hui, le « musée populaire de l’Oncle Jah » est reconnu dans tout le pays, Thawee a eu l’honneur de plusieurs articles dans la presse, les visiteurs viennent de toutes les régions de Thaïlande et de tous les pays du monde voir les collections qui sont les témoins de la véritable identité populaire des gens.
Université de la vie
Thawee Buranakhet a reçu de nombreuses décorations et diplômes honorifiques. C’est une belle consecration pour une personne qui n’a pas pu faire des études, mais qui s’est formé au contact des autres.
Tel le Bouddha Chinnarat, Thawee a puisé son énergie dans la terre, dans le terroir.
– il a obtenu un diplôme honorifique d’éducation artistique (éducation artistique) de la Division de la formation des enseignants en 1984.
– il a reçu un doctorat honorifique (art) de l’Université Srinakharinwirot en 1984.
– En 1991, il a reçoit du Premier ministre le titre de « citoyen remarquable dans le domaine du développement social (arts et culture) ».
… je vous emmène visiter la fonderie
La cire perdue
Le procédé de la cire perdue consiste à créer une première statue en cire, de l’entourer d’un moule provisoire, de faire fondre la cire et de la remplacer par du bronze chaud.
Ce procédé permet d’obtenir des précisions tridimensionnelles plus fines qu’avec un moule ordinaire.
D’un point de vue artistique, ce procédé permet la fonte de pièces qui sont toutes uniques puisque le modèle de base est fondu pendant le processus de fabrication.
Procédé de fabrication :
- Fabrication du modèle en cire : versez la cire chaude dans le premier moule.
- Vous obtenez une image en cire, si elle est fait de plusieurs morceaux, assemblez-les et ajoutez les détails du « Bouddha Chinnarat ».
- Insérez des clous autour de l’image.
- Couvrez d’un mélange de plâtre, de sable et d’eau qui forment une couche épaisse de stuc.
- Attachez avec du fil, serrez pour que le mélange adhère bien.
- Couvrir à nouveau d’un peu de plâtre, de sable et d’eau.
- Mettrez au four à une température de 900° à 1150°, attendez que la cire fonde et sorte par un trou.
- Coulez le bronze chaud dans le moule en stuc à la place de la cire.
- Brisez le moule en stuc pour avoir l’image du Bouddha en bronze.
- Polissez, décorez, peignez avec une base en laque et utilisez le papier de verre pour frotter et lisser suffisamment.
- Peignez avec une laque noire et recouvrez avec des feuilles d’or 100%
- Vous obtenez la parfaite image du « Bouddha Chinnarat »
Le texte et toutes les photos © Frédéric Alix, entre 2007 et 2019 à Pitsannulok.