Hsipaw, le 12 mars 2006,
Je crois que je vais avoir un problème. On ne peut payer les chambres de guesthouse et d’hôtels qu’en dollars US au Myanmar. Je n’avais pas prévu ça.
La raison est simple. Tous les revenus liés au tourisme sont soumis à une taxe gouvernementale importante que le commerçant doit obligatoirement régler en dollars.
J’ai avec moi 220 dollars. Je prévois de passer 28 jours au Myanmar.
Je fais un calcul rapide. Je vais avoir besoin d’environ 50 $ pour des visites touristiques ici et là. Je peux donc dépenser une moyenne de 6 $ par nuitée.
Un autre problème : l’argent local. Il n’y a pas de banque dans le pays, encore moins d’ATM. On ne peut changer son argent qu’au marché noir. Charlie semble me dire que seuls les dollars US peuvent se changer en kyats birmans.
J’ai un peu moins de trente mille bath thaïlandais. En quittant la Chine, j’ai pris des yuans chinois au dernier distributeur automatique avant la frontière. C’est une grosse somme. Mais si j’ai suffisamment de devises étrangères, je risque de ne pas réussir à les convertir dans la monnaie locale pour payer les transports et la nourriture.
J’en ai changé une partie de mes yuans chinois en kyat birmans au passeur de Mu’se. Je peux vivre avec ça pendant une semaine.
Le Guesthouse Charlie ne veut ni de mes baths, ni de mes yuans. J’espère qu’à Mandalay, j’aurai plus de chance, c’est une grande ville. En attendant d’y arriver, je vais passer deux jours ici à Hspipaw, et probablement un ou deux jours à Pin Oo Lwin. Ensuite, je vais me rapidement me retrouver sans argent.
Je suis assis sur la terrasse devant le Charlie Guesthouse, je mange le petit déjeuner qui est compris dans le prix de la chambre. J’ai reçu deux toasts, une noisette de confiture, et un café instantané « trois-en-un ». J’entends parler français à la table voisine. C’est un couple dans la cinquantaine. Ils ont avec eux un guide propret: longgy repassé et chemise blanche éclatante. Une voiture et un chauffeur les attend. Le guide leur explique qu’aujourd’hui ils pourront aller voir une fête bouddhiste très importante. La femme écoute avec attention. L’homme place ses lunettes de lecture au bout de son nez et ouvre « Le Petit futé ».
Un autre problème apparait. Hier soir, il n’y avait plus d’électricité quand je suis rentré. Je n’ai pas pu recharger la batterie de mon appareil photo.

Je marche dans les quelques rues de la ville. C’est plus animé qu’hier soir. Des camionnettes à deux bancs latéraux circulent en long et en large. Accroché sur le marche-pieds arrière, un homme crie « poué! poué! ».
Un crieur de « poué! » me reconnait, sur son visage éclate un sourire, il hurle un « hey!!! » en me pointant du doigt. C’est l’homme de la camionnette que j’ai prise hier pour venir. Il m’avait bien dit qu’il venait pour « poué ».
En faisant un regroupement des informations, je déduis que « poué » est la « fête bouddhiste très importante » dont parlait le guide au longgy bien repassé.
Je ne suis pas pressé. J’aperçois un banian énorme qui occupe la moitié de la route. Des tissus aux couleurs des robes de moines entourent son tronc. C’est un arbre sacré. C’est l’arbre sous lequel Bouddha a médité pendant 40 jours avant de trouver l’illumination. Je sors mon appareil photo. J’avais oublié que la batterie était plate. Ce sera une journée sans photo. Zut !

Une nouvelle camionnette passe. « Poué! Poué! » Des gens montent et se serrent à l’intérieur.
Je passe devant le restaurant où j’ai mangé hier soir. La cuisinière est en train d’installer ses marmites à l’entrée. Elle me reconnait et me sourit.
Des marcheurs semblent arriver de toutes les directions. Femmes, hommes et enfants, ils portent des paniers à pic-nic multicolores. Ils convergent dans la direction de là où doit y avoir « poué ». Je vais suivre un de ces groupes. Tous semblent monter dans des camionnettes. Je demande le prix. On m’annonce 500 kyats. Je vois un homme payer 200. Ca me vexe. Je refuse. Je continue à marcher. Je ne vois pas le bout de la route. Il commence à faire chaud. J’arrête une camionnette au passage, je saute sur le marche-pieds, je m’agrippe au porte-bagage du toit. D’un geste princier je donne 500 kyats au rabatteur.
En route pour « poué! »

Photos prises le lendemain, le 13 mars 2006 (il y avait moins de monde hélas)



à suivre…