La Route de Birmanie – Chapitre 1 – Prologue

En mars 2006, je traverse la Birmanie, pour la première fois. Du nord au sud, j’ai imaginé mon itinéraire en regardant la carte. Depuis 2001, lors de mon premier voyage en Asie, la Birmanie me fait rêver. C’est un rêve rempli de clichés flous, de sonorités qui se mélangent, c’est aussi le rêve de visiter un pays dont les frontières semblent fermées.

Mais avant de passer la frontière et de vous raconter ce premier voyage et mes toutes premières impressions, je vous propose un Prologue…

Myawadi, 23/12/2005

Photo : Myawaddy, décembre 2005

Birmanie, une cage

Nous sommes en 1999, je traverse la place de la Palud à Lausanne, ma ville natale. Un stand d’Amnisty International attire mon attention. Je m’approche parce que je suis sensible aux droits de l’homme. Sur une table en bois ils exposent une série de dépliants qui parlent de leurs actions, et répertorient les crimes commis par les gouvernements dans le monde. 

A côté de leur stand, ils ont installé un cube dans lequel on peut entrer. Je passe la tête. L’intérieur est minuscule, je suis clostrophobe et malgé les encouragements des militants, je ne vais pas tenter l’expérience de m’y enfermer. Un panneau m’explique qu’il s’agit de la reconstitution de la cellule où la prisonnière politique – au nom illisible : Aung San Suu Kyi – est enfermée. Elle milite pour la démocratie en Birmanie, pays gouverné par une junte militaire, où a population est contrainte aux travaux forcés. Je n’ai aucune idée d’où se trouve la Birmanie, je crois me souvenir que ce pays a fait partie des Indes britanniques. Pendant longtemps, l’évocation de la Birmanie sera associée dans ma mémoire à ce cube-prison d’Amnisty International où une militante au nom imprononcable est emprisonnée. 

Mon tout premier voyage en Asie : août 2001 en Thaïlande.

Pour mon esprit qui n’a jusqu’en 2001 voyagé qu’en rêve, la Thaïlande, c’est une plage de sable blanc à Ko Phi Phi (le nom se retient facilement), c’est la mafia et le commerce du sexe de Bangkok (j’ai vu des reportages à la télévision) : la mer des cartes postales et la débauche d’opérette.

En août 2001, je voyage pour la première fois en Asie avec Ivan. Je veux louer une voiture pour explorer la région de Chiang Mai. En regardant la carte routière, je me mets à rêver. Je lis « Laos » et « Birmanie ». Ces noms sonnent comme un bout du monde dans ma tête. Instantanément, je suis attiré par deux pays dont je n’ai que très peu entendu parler.

Du bout de mon index, j’imagine un itinéraire sur une route, rêvant de partir à la découverte. Je vois sur la carte la frontière avec « Union du Myanmar, Birmanie ». J’ai une vision de militaires lourdement armés de vieux fusils et d’explosifs d’une ancienne guerre, le regard méchant, ils gardent la frontière comme dans les films de guerre. Mon esprit entreapperçoit une population vivant dans la poussière, baissant la tête devant les uniformes. 

Je lis que l’on peut obtenir un permis pour entrer sur quelques kilomètres dans le pays. « Mais qu’est-ce qu’il y a à voir là-bas ? » me demande Ivan. Je ne sais pas quoi lui répondre, je n’en ai aucune idée.

Nous ne louons la voiture qu’une journée, je n’ai pas réussi à convaincre Ivan de faire une plus longue sortie. « On est en vacances, j’ai besoin de me reposer » qu’il me répond. Nous traversons le parc national de Doi Inthanon et nous nous baignons dans une cascade, ma carrière d’explorateur est limitée.

Lors du tour du monde de 2004 avec Bruno, nous visitons l’Indochine depuis Bangkok, puis descendons sur la Malaisie en nous arrêtant sur une île paradisiaque. Bruno prétend qu’il est trop dangereux d’aller «en Burma», je n’insiste pas.

Les images se forment

Au hasard des rencontres, en février 2005, je passe quelques jours avec Christiane et Michelle: deux françaises qui, comme moi, voyagent dans la région du sud de l’Issan. Toutes les deux sont allées en Birmanie. Elles me parlent de lieux qui me sont complètement inconnus : Le Lac Inlé, Bagan, Ngapali, de drôles de sonorités ! D’ailleurs, la capitale du pays, s’appelle-t-elle Yangoon ou Rangoon ? Le pays, c’est la Birmanie ou le Myanmar ? Quand j’entends le nom de la ville de Mandalay, je pense aux mandalas des moines tibétains.

Inlé, mars 2006

Lac Inlé, 21 mars 2006

A l’été 2005, je regarde un très beau documentaire sur France 5 qui parle d’un « pays oublié », et je vois les images de ruines anciennes dans une sorte de steppe, d’un lac prospère sur lequel flottent des mottes d’herbes qui constituent des jardins, d’une population colorée et joyeuse qui s’adonne à de drôles de coutumes pour amadouer des esprits ! Les images correspondant au mot « Birmanie » commencent à se remplir.

Novembre 2005 : l’avion a atterri à Bangkok il y a quelques minutes. Les passagers ont retrouvé leurs bagages sur le long tapis roulant et attendent en file indienne devant le bureau de l’immigration. J’observe deux aventuriers américains, ils sont dans la colonne « transit ». La cinquantaine approchante, ils sont vêtus comme Indiana Johnes, leurs gros sacs à dos semblent contenir un « matériel de survie », une gourde est attachée sur un côté. Un des deux prend le ton de celui qui connaît et annonce « La Birmanie, c’est la Thaïlande d’il y a 40 ans ! »

« Ils n’ont pas de route ! »

En février 2006, je suis à Luang Nam Tha au Laos. Comme souvent, je rêvasse en regardant la rivière glisser sur les gros cailloux. Les gens du coin sont venus prendre leur bain du soir. Ils se frottent avec du savon sous le regard ruminant de quelques buffles d’eau. Un couple de touristes français, des retraités, logent dans le « ressort » voisin (le plus cher de la ville). Ils m’expliquent qu’ils ont voyagé toute leur vie « de manière indépendante ». Pourtant, l’unique voyage pendant lequel ils ont dû faire appel à un guide a été celui en Birmanie l’an dernier. « On a fait Yangon, Mandalay, Bagan et Inlé ». Mis à part le voyage en bateau de Mandalay à Bagan, ils ne se sont déplacés qu’en avion. « Le problème en Birmanie, c’est qu’ils n’ont pas de routes ! On est obligé de prendre l’avion ». 

Les étrangers ne peuvent pénétrer au Myanmar que par l’aéroport international de Yangon. Les frontières terrestres sont fermées. Refusant ce qui apparaît comme une loi, je cherche un moyen d’entrer pour la première fois dans ce pays par une frontière terrestre. C’est ce que je vais vous raconter dans le prochain chapitre de mon récit.

Lire : La Route de Birmanie – Chapitre 2 – Les frontières


Toutes les photos ©fredalix

Catégories Myanmar - BirmanieÉtiquettes ,,

1 réflexion sur « La Route de Birmanie – Chapitre 1 – Prologue »

  1. Superbe récit, plein de nostalgie. Tu me fais rêver… Merci

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :
search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close