
Ils sont fous ces fantômes !
Assister au festival de Phi Ta Kon dans la province de Loei quand on arrive de la très traditionnelle région de Chiang Mai peut provoquer un certain choc ! Pour ceux qui sont habitués aux processions religieuses qui rythment les saisons du Lanna, on se retrouve ici dans un carnaval où des fantômes promènent sous votre nez des phallus en bois dans une ambiance d’amusement bon-enfant.
Mais d’une part les attributs sexuels sont des références à la fertilité attendue par les paysans pour la prochaine récolte, et d’autre part on est dans un contexte particulier qui est celui d’un carnaval où rien n’est véritablement pris au sérieux.
Toutefois, jamais! je n’avais vu des personnes osant porter un habit de moine avec un masque de fantôme devant les passants hilares. Ce qui serait considéré comme un acte de blasphème peinalement condamnable est permis dans les rues de la petite localité de Dan Sai pendant Phi Ta Kon.

Mon petit film de 5:28

Le carnaval se déroule sur trois jours. C’est la matinée du second jour qui voit débarquer dans la tranquille bourgade de Dan Sai des milliers de participants, de fantômes et de spectateurs venus principalement des régions voisines.

Carnaval avant le Carême
Hasard du calendrier, le carnaval a lieu quelques jours avant le début du Carême bouddhiste (appelé Vassavasa, période pendant laquelle les moines ne sortent pas du temple et beaucoup de laïcs adoptent des pratiques ascétiques comme l’abandon de la viande, de l’alcool et du tabac). Il y aurait-il un parallèle à tirer avec le Mardi Gras qui précède le début du Carême chrétien? J’en doute, mais le hasard est intéressant. N’est-il pas humainement nécessaire d’avoir un exutoire aux pressions de l’année écoulée, un ultime moment où l’on va aux limites de ce qui est permis avant d’entrer en ascèse?


Festival international avec des invités
Cette année, le carnaval de Dan Sai s’est surnommé « International Mask Festival » en invitant 4 pays qui ont une tradition de masques à participer aux festivités. Le Laos, voisin de quelques kilomètres dont la culture est très proche, l’Indonésie et sa danse masquée dans les paniers de riz, les Philippines et son fameux festival MassKara de Bacolod, et la Chine dont les masques font partie de son opéra millénaire.



En regardant les extraits des prestations des invités internationaux que j’ai mis bout à bout sur le petit film ci-dessous vous comprendrez que j’ai eu un vrai coup de coeur pour MassKara des Philippines et qu’à l’inverse la rigidité chinoise m’a laissé de glace.
Mon film du Spectacle international de masques :



Les masques de Phi Ta Kon


Traditionnellement, seuls le noir, le blanc et le rouge (trois couleurs extraites de produits naturels de la région) étaient utilisés pour la confection des masques de Phi Ta Kon. Avec le temps et l’arrivée des peintures modernes, le festival est devenu de plus en plus coloré.
Le masque est composé de trois parties : le visage et le nez crochu sont en bois, la coiffe est fabriquée avec un panier de riz en bambou tressé. (Le panier de riz sert à cuire le riz collant à la vapeur, c’est un des symboles de la région d’Issan).













Au matin du troisième jour, ce sont treize sermons qui sont récités par les (véritables) moines au temple de la ville. La légende raconte que les fantômes, effrayés par les saintes paroles, se sont enfuis – et que les crapules ont jetés leurs masques dans la rivière pour ne pas être reconnus.

Pour en savoir plus (ou non) sur l’origine de ce carnaval, je vous propose la lecture de mon précédent texte sur le sujet : Phi Ta Kon, carnaval des fantômes.
toutes les photos et vidéos © Frédéric Alix, à Dan Sai (province de Loei) les 5 et 6 juillet 2019