Wat : le temple au milieu du village
Le temple est le centre de la communauté. Tous les villages, tous les quartiers ont leur temple. En créant le Lanna en 1296, Mengrai a imposé le bouddhisme comme religion d’état. Des temples ont été construits dans toutes les communautés.
C’est le lieu qui rythme les étapes de la vie : les naissances, les unions, les décès. Il rythme les saisons avec ses fêtes rituelles, mais rythme aussi les journées avec les offrandes de nourriture qui ont lieu au petit matin.
Le temple a été une école avant que n’existent les écoles publiques. C’est aujourd’hui encore un endroit qui accueille les enfants pour leur donner une éducation autant religieuse que scolaire.
C’est une bibliothèque où sont conservés les écrits de la religion mais aussi les registres et les chroniques de la communauté.
C’est au temple que l’on va chercher un conseil – les moines répondent à toutes les questions, et peuvent simplement donner une bénédiction. On y on apprend l’enseignement du Bouddha, et on y pratique la méditation.
Les temples sont des lieux intemporels. Les amateurs de poussière regrettent que les restaurations amènent une architecture moderne dans un lieu ancien. Mais le temple est un lieu vivant, habité, utilisé, il est à la fois le musée du passé et le centre de la vie actuelle.
Toutes les activités du temple permettent l’acquisition de mérites : des bons points qui permettront de rejoindre le Nirvana (paradis).
Wat Prathat : Le Temple cathédrale
C’est le roi KueNa (14ème siècle) qui a été un des plus grand constructeur de temples au Lanna. Il a fait venir à Chiang Mai (sa capitale) le moine Sumanathera qui est devenu le premier patriarche du petit royaume et a supervisé la construction du temple protecteur de la ville : le Wat Prathat Doi Suthep.
On distingue les « Wat », temples communautaires, aux temples plus importants dont le stupa contient une relique de Bouddha. Ces temples reliquaires prennent le nom de « Wat Prathat ».
Pour inciter la population à aller faire des offrandes dans les temples de plus grande importance, on a inventé le concept de pèlerinage, sorte tourisme avant le tourisme.
Le Stupa ou Chedi
Le Stupa (que l’on appelle « Chedi » au Lanna) est une structure architecturale bouddhiste ayant la forme d’une montagne. Il s’agit d’un monument funéraire contenant les restes d’un défunt. Mais dans les temples importants on a construit des Stupa pour y conserver une relique sacrée.
A l’origine il n’était qu’un empilement de pierres, mais au fil des temps, il y prit une forme symbolique rappelant les cinq éléments : la terre, l’eau, le feu, l’air, mais il ne devient sacré que lorsqu’il est surmonté d’une couronne représentant l’éther, l’âme, ou le « cinquième élément ».
Appelé Chörten au Tibet, Dagoba en Inde, Zedi en Birmanie, on l’appelle Chedi au Lanna et That au Laos.
Pèlerinage vers les temples reliquaires
C’est le moine Kruba Sriwitchai (1878-1939), qui a associé les douze temples les plus importants du Lanna, (les Wat Prathat) aux douze années du zodiac représentés par des animaux. Il voulait encourager la population du Lanna a aller en pèlerinage dans les lieux de leur histoire.
Kruba Sriwichai a certainement eu de bonnes raisons d’associer tel temple à tel animal du zodiac, hélas, beaucoup de documents historiques ont été perdus ce siècle dernier, et on ne peut retrouver la réponse à cette question.
Dans la croyance populaire, on dit que l’âme des défunts rejoindra la pagode correspondant à l’animal de leur année. de naissance. Pendant notre temps de vie terrestre, il est de bon augure d’aller vénérer les temples et spécialement celui qui est dévolu à son animal de naissance.
Au cours des années, je suis allé visiter les douze temples.
Le zodiac du Lanna est d’origine chinoise, il associe douze animaux terrestres aux douze années d’un cycle. Comme un horoscope, il donne des qualités et des défauts aux natifs et permet de donner une couleur à l’année en cours.
Comme l’éléphant est l’animal le plus important de la région, il était normal qu’il y soit représenté. L’éléphant prend la place du cochon comme douzième animal du cycle.
1. Le Wat Prathat Sri Chom Thong est associé à l’année du Rat.
Situé à une dizaine kilomètre du pied de Doi Inthanon, le plus haut sommet de Thaïlande, et à quelques enjambées de la rivière Ping, en aval de Chiang Mai, le temple de Cham Thong a été construit sur le lieu de découverte d’une relique sacrée autour de 1450. Ici, contrairement à la tradition de conserver la relique dans le Chedi, la relique est conservée à l’intérieur du Wihan (hall pour les prières) dans un Ku (voir photo). La légende dit que le Bouddha serait venu ici de son vivant et aurait laissé une relique sur son passage.
2. Le Wat Prathat Lampang Luang est associé à l’année du Bœuf.
Le temple aurait été fondé au 7ème siècle par la Reine Jamathewi de Hariphunchai pour y abriter une relique de Bouddha (probablement un os). Un bâtiment à l’ouest du Chedi date de cette époque. Le Chedi est ici entouré de cinq Wihan (hall de prières). Le Wihan principal, traditionnellement sur la face est du Chedi, date du 13ème siècle, il est ouvert au vent, ce qui est agréable dans cette région réputée pour être la plus chaude du pays.
Le Chedi mesure 45 mètres et est recouvert de feuilles de cuivres et de bronze ce qui lui donne cette couleur particulière. Le sommet est recouvert de feuilles d’or.
3. Le Wat Prathat Cho Hae, (Phrae), est associé à l’année du Tigre
C’est le seul des 12 temples que je n’avais pas encore visité au moment où j’ai rédigé cet article, je pensais y aller en mars 2020, mais un événement imprévu m’a empêché de sortir de chez moi. J’ai finalement pu y aller en octobre de cette année.
Construit au 14ème siècle sous le règne du Roi Lithai (Sukhothai). Son stupa de 33 mètres de haut est de style Chiang Saen. Sa base forme un carré de dix mètres d’arrête. Il renferme un cheveu de Bouddha. Il tient son nom « Cho Hae » d’un type de tissus Tai-Lü qui était utilisé pour envelopper le stupa.
4. Le Wat Prathat Chae Haeng, Nan est associé à l’année du Lapin.
Construit en 1348 pour y habriter une relique de Bouddha venant de Sukhothai, le Chedi est doré et mesure 55 mètres de haut. De forme mince, l’architecture actuelle date de 1454, elle est inspirée du Wat Prathat Hariphunchai de Lamphun (1443).
Ici, le Wihan (hall de prières) a été construit au sud du Chedi (et non à l’est comme traditionnellement), la toiture à trois pans est typique du Lanna. La statuaire et la décoration sont un mélange de style Tai-Lü et Lanna.
5. Le Wat Pra Singha, Chiangmai est associé à l’année du Dragon
Construit à partir de 1345 par le roi Phayu pour y conserver les cendres de son père, le roi Kham Fu. Le Chedi ne renferme par de relique du Bouddha mais celle du roi du Lanna.
En 1367, le temple reçoit la statue sacrée de Pra Singha, venue du Sri Lanka. Cette statue est placée dans une niche à l’intérieur du Chedi, reliée directement au bâtiment appelé Ubosot. Le temple a pris le nom de la statue sacrée. Aujourd’hui, la statue a été avancée à l’intérieur de l’Ubosot, la porte menant à la niche dans le Stupa est toujours visible derrière la statue. C’est l’image du Bouddha la plus sacrée dans tout le Lanna. Toutefois, les légendes s’étant emmêlées, il y a actuellement trois statues en Thaïlande qui prétendent être l’originale, alors que le Sri Lanka affirme que l’originale n’a jamais quitté l’île…


6. Le Wat Si Mahapo, Jed Yod, Chiangmai est associé à l’année du Serpent
Fondé en 1476 par le roi Tilokarat pour y accueillir le 8ème Concile bouddhiste mondial. Cette rencontre s’est tenue en 1477, elle a permis de discuter des textes sacrés du Tripataka. Wat Pottaram (de son nom originel) est un temple très différent des autres. On dit que le roi de Chiangmai a envoyé en Birmanie des architectes afin d’obtenir les plans du temple Mahabodi à Bodh Gaya au nord de l’Inde, l’endroit où le Bouddha avait trouvé l’illumination 2000 ans plus tôt.
On dit que le Bouddha, après avoir reçu l’illumination sous l’arbre est allé méditer six semaines supplémentaires en six lieux différents. En plus de la copie du temple indien, on a construit six autres Chedi. Wat Pottaram est devenu le « Temple aux Sept Sommets » : Wat Jed Yod, en référence symbolique aux sept lieux où le Bouddha a médité depuis son illumination.
Les pèlerins ne viennent pas ici pour adorer une relique du Bouddha ou une statue particulière, mais pour la copie du temple construit sur le lieu de l’illumination. Ils sont invités à parcourir les chemin de Bouddha et de s’incliner devant les sept Chedi en respect aux sept lieux où le maître a médité.

Wat Jed Yod est dédié aux natifs de l’année du serpent. Le serpent est une autre représentation du Naga, animal mythologique qui a protégé Bouddha pendant la longue méditation qui a conduit à son illumination.
7. Paya Shwedagon, Yangon au Myanmar est associé à l’année du Cheval
C’est le seul temple de la liste qui soit en dehors des frontières thaïlandaises. Mais rappelons que le Lanna était intégré au Royaume Birman entre le 16ème et le 18ème siècle (1578 à 1767).
La légende dit que des commerçants birmans auraient rencontré le Bouddha Gautama de son vivant et lui auraient demandé huit de ses cheveux afin de construire un temple dans leur pays en son honneur. Le Bouddha aurait accepté à la condition que ses cheveux soient placés avec les reliques de quatre anciens Bouddha.
Paya Shwedagon est le plus large Stupa au monde. Construit sur la colline de Singuttara à Yangon, le « Zedi » mesure 100 mètres de haut, il est coiffé d’une couronne (« hti » en birman) où sont accrochés 1065 clochettes d’or, 420 clochettes d’argent, ainsi que d’une girouette ornées d’une bijouterie de pierres précieuses. Il serait vieux de plus de 2500 ans ! (puisqu’il serait contemporain avec le Bouddha Gautama).
Un des plus grand temple bouddhiste au monde, on peut facilement passer une journée entière à la visiter. D’ailleurs je ne compte plus le nombre de jours que j’ai passé là-bas…
En birman, Stupa se dit « Zedi », ce qui rappelle la sonorité de son nom Lanna : « Chedi ».
On a associé le Wat Prathat Boromthat Ban, dans la province de Tak, à l’année du cheval, pour les pèlerins qui ne peuvent se déplacer jusqu’au Myanmar. (je suis passé tout près de ce temple en décembre dernier, mais me suis trompé de chemin et n’ai pas pu le visiter, ce n’est que partie remise!)
8. Le Wat Prathat Doi Suthep, Chiangmai est associé à l’année de la Chèvre.
Construit en 1383 par le roi Kue Na pour y abriter la relique sacrée trouvée par le moine Summana Thera venu de Sukhothai. La légende dit que la relique a été placée sur un éléphant blanc, que l’éléphant a gravi librement la Montagne de Doi Suthep, s’est assis au sommet, c’est à cet endroit que le Chedi a été construit et le temple tout autour. Ce monastère qui domine la ville de Chiang Mai à plus de mille mètres d’altitude est considéré comme le temple protecteur de la ville.
J’ai rédigé un texte plus complet sur Doi Suthep : il est ici.
9. Le Wat Prathat Phanom, Nakorn Phanom est associé à l’année du Singe.
Ce temple semble être éloigné du Lanna. Il se trouve dans la région que l’on appelle Issan ou Nord-Est thaïlandais. La structure du Chedi est d’une architecture qui rappelle les premiers chedis Mon-khmer de Hariphunchaï (Lamphun). On utlilise le terme plus ancien de « That » à la place de « Chedi » (langue lanna).
Selon la légende, un premier That de 8 mètres de haut aurait été érigé il y a 2500 ans, une dizaine d’année seulement après la mort du Bouddha Gautama. Ce That contiendrait le sternum ou une clavicule de Bouddha.
Dans son apparence actuelle, les reliefs de la base du monument sont les plus anciens et dateraient du 10ème siècle (époque Dvaravati).
Au 16ème siècle, le prince Settathirat est appelé à monter sur le trône du Lanna après la mort de son grand-père. Mais de par son père, il devient aussi le roi du Lan Chaang (actuellement Laos), et après quelques années à Chiang Mai, il rejoint son autre capitale Luang Prabang. C’est le roi Settathirat qui a restauré le That Phanom et fait construire un temple autour.
La structure actuelle du that ne daterait que de 1690 lorsque le moine-patriarche l’a fait élever à une hauteur de 47 mètres. Le « Hti » (couronne) serait fait de 16 kilogrammes d’or pur. Les ornements de fleurs ne datent que du début du 20ème siècle. En 1975 il a été endommagé par de violents orages, sa restauration a été achevée en 1979.
10. Le Wat Prathat Hariphunchai, Lamphun est associé à l’année du Coq.
Les chroniques de Hariphunchai mentionnent la fondation d’un premier Chedi en 897 pour y conserver un cheveu de Bouddha.
En 1044 le roi Athitayarai de Hariphunchai fait construire un temple plus important autour du Chedi. Ce temple a été le monastère principal du Royaume de Hariphunchai jusqu’à sa prise par le Lanna en 1291.
En 1443, le roi Tilokarat du Lanna restaure le monastère et agrandi le Chedi, lui donnant sa forme actuelle.

– Ce Chedi appelé Suwanna date de 1418, il est une copie du plus ancien Chedi Kukut qui abrite les cendres de la reine Jamathewi (fondatrice du Hariphunchai). Il a été restauré par le moine-architecte Kruba Sri Witchai dans les années 1930. Son architecture est celle de l’époque Mon-khmer de Hariphunchai, qui a inspiré le style des That du Laos (dont le That Phanom cité plus haut).
11. Le Wat Prathat Ketkaram, Chiangmai est associé à l’année du Chien.
Construit en 1428 sur la rive gauche de la rivière Ping, faisant face à la ville de Chiang Mai. Le roi Sam Fangkaen a fondé ce temple pour y conserver une relique sacrée du Bouddha: un cheveu.
Wat Ket est le quatrième temple de cette liste qui se trouve à Chiang Mai, la capitale de l’ancien Lanna. Mais il est le seul temple en ville à être un reliquaire du Bouddha. Selon les chroniques et les légendes, de nombreuses cérémonies de protection de la ville ont été organisées à Wat Ket. Le temple est dévolu aux natifs du chien.
Depuis le 19ème siècle, les bords de la rivière sont devenus les quartiers où l’on a permis aux étrangers de s’établir, dont une majorité de marchands chinois. Non loin de Wat Ket se trouve la première église chrétienne fondée par les missionnaires occidentaux. Le Wat Ketkaram est depuis ce temps le centre de la communauté chinoise de la ville. Un petit musée d’objets anciens du quotidien a été crée dans l’ancienne résidence de l’Abbé. Un des temples les plus sacré de la ville est devenu un temple communautaire.
12. Le reliquaire de Doi Tung, Mae Fa Luang, Chiangrai est associé à l’année de l’Eléphant.
Au sommet du Doi Din Deng (litt. « Mont de la terre rouge »), ce site temple est un des temples les plus au nord de la Thaïlande, et probablement un des plus ancien site bouddhiste. Selon les chroniques de Chiang Saen, le temple aurait été fondé ici en 940 pour abriter une relique du Bouddha (une clavicule). Mais la montagne était déjà un lieu sacré pour le peuple Lua, ce qui explique les nombreux sanctuaires animistes parsemés dans la forêt.
Dans la cosmologie traditionnelle cette dernière année du cycle est attribué au cochon. Toutefois, le Lanna sans éléphant n’est pas entièrement le Lanna, les puristes attribuent ce temple à l’éléphant, douzième animal du zodiac local.
Une légende dit que le roi Mengrai (fondateur du Lanna) aurait suivi un éléphant égaré jusqu’au sommet de cette montagne. Un ermite aurait présenté une collection de reliques sacrées à Mengrai qui les auraient placés dans ce temple, ce qui explique qu’il y ait un deuxième stupas.
Durant mes recherches, je n’ai pas trouvé une explication qui permette de comprendre pourquoi tel temple est dévolu à tel animal du zodiac. Si pour Doi Tung, il y a un lien entre la légende de l’éléphant et le temple, ce n’est pas le cas pour les autres temples présentés dans cet article.
Les nouveaux temples
Sachant que les « temples pèlerinages » offrent une reconnaissance plus large dans la population, les donateurs actuels préfèrent que leur nom soit associé à un « Wat Prathat » plutôt qu’à un simple « Wat » de communauté locale. Depuis plusieurs décennies, on voit se construire des temples gigantesques, démesurés, qui pour attirer les pèlerins modernes proposent une décoration digne d’un studio photo: tout est fait pour que l’amateur de selfie soit comblé. Les douze temples traditionnels sont désormais en concurrence avec des temples modernes.
A Mae Teng, on a même reconstruit les douze chedis anciens, les pèlerins peuvent circonvoluer autour des douze représentations en quelques minutes. C’est une sorte de 12 en 1 !
Texte et toutes les photos © Frédéric Alix, les lieux et les dates sont mentionnés.
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