Dans le chapitre précédent, je suis entré dans la grande région du Nord-Est thaïlandais que l’on appelle Issan. Ma première étape a été Korat, grande ville. Aujourd’hui, je rejoins une plus petite ville de la même province où se trouve un ancien temple khmer.
mon tour d’Issan, Chapitre 2
Je passe sous une enfilade de portiques, m’avance sur allée pavée, traverse un pont gardé par des statues de nagas. Un léger vent souffle dans les branches des grands arbres. Je m’assieds sur l’herbe et je contemple ce bijou d’architecture, héritage khmer qu’est le Prasat Hin de Phimai.
Alors que les petits bâtiments et les murs d’enceinte sont en latérite rouge, le sanctuaire est en grès blanc. La tour principale, haute de 28 mètres, semble être une fleur taillée dans la pierre. Ce sanctuaire aux proportions harmonieuses étonne par sa blancheur.
J’ai déjà visité les temples de l’ancienne capitale Angkor, ils sont gigantesques et foisonnent de détails. Ici, le sanctuaire est beaucoup plus petit et plus simple, et c’est cette simplicité qui est belle.
10 février 2005
Nakorn Ratchasima, gare routière. Je veux rejoindre la petite ville de Phimai, seulement 60 kilomètres plus au nord. On m’indique que le bus part sur la voie 4. Le temps d’arriver sur la voie 4, on me dit que c’est sur la voie 5, mais aucun bus n’est sur la voie 5, alors on m’indique la voie 9. Mais il n’y a pas de voie 9 ! J’ai souvent l’impression que lorsque je pose une question, on cherche à m’envoyer le plus loin possible pour se débarrasser de moi. Il faudrait vraiment que j’apprenne quelques mots de thaï! Finalement, c’est une Bangkokienne qui parle anglais qui me renseigne. Le bus de Phimai part depuis une autre gare routière à deux kilomètres d’ici. Elle mandate un Tuk-Tuk pour m’y emmener. Il demande 50 bath. Je trouve que c’est excessif. La femme est étonnée: « tu ne peux pas payer 50 bath? » qu’elle me demande. Bien sûr que je peux, mais je trouve que c’est cher payé pour deux kilomètres.
Le Tuk-Tuk me dépose devant le petit bus, je m’y installe et presque immédiatement on démarre. A côté de moi est assis un jeune militaire. Une dame vient encaisser le prix des billets, elle a dans ses mains une caisse cylindrique d’où elle tire des tickets. Je paie 50 bath. La porte avant du bus reste ouverte, ça provoque un agréable courant d’air. Alors que l’on quitte la ville, la femme aux tickets crie des noms de destinations par la porte ouverte. Quelques fois nous nous arrêtons pour laisser monter un nouveau passager. Il nous faut une heure pour quitter la ville. Mon voisin militaire s’est endormi sur mon épaule, je n’ose pas bouger. Il se passe encore une heure, nous traversons les campagnes et plusieurs groupements de maisons, il y a des rizières partout. Je regarde au-loin si je vois une colline, mais le paysage reste plat. Lorsque la dame des tickets crie « Phimai », je dois réveiller le dormeur bien installé sur mon épaule. Je saisis mon gros sac à dos et descends.
Comme la ville khmer de Korat, Phimai est entourée de douves et d’une muraille. Au centre de cette citadelle se trouve un temple qui a dû être construit à la fin du 11ème siècle. Je ne sais pas pourquoi j’avais imaginé que la ville était construite sur une colline, je suis étonné de constater que c’est tout plat !
Au nord de la ville coule la rivière Mun, une ancienne voie fluviale traversant le plateau d’Issan d’ouest en est avant d’aller se jeter dans le Mékong à Kong Jiam. Ce sont les eaux de la rivière qui alimentent les douves. La porte sud de la ville (Pratu Chai, porte de la Victoire) est la porte la plus importante puisqu’elle donne sur l’antique voie royale qui en 225 kilomètres mène à l’ancienne capitale Angkor (aujourd’hui au Cambodge).
Je me présente dans un petit hôtel, tout est très propre. Ils sont un peu surpris à l’accueil de voir débarquer un grand blond mais tout le monde sourit et ils me font visiter. L’hôtel est complètement vide, et peut-être un peu trop propre. Je vais voir plus loin. Je loue une chambre dans une maison d’hôtes en bois, c’est plus rustique mais il y a de l’agitation autour, et c’est la seule chose qui compte en ce moment.
Du temps de l’Empire Khmer d’Angkor, Phimai, située sur la rivière Mun, était la ville la plus importante de la région, certainement beaucoup plus importante que Korat. De plus, des fouilles archéologiques ont permis d’établir que la région de Phimai a été habitée par une société agricole fabriquant de la céramique il y a 3000 ans, on a pas trouvé de foyer culturel plus ancien en Issan.
Je passe ma première journée à faire le tour des douves, à arpenter les rues du centre de la ville. Je croise beaucoup de sourires, mais aussi un peu de méfiance. Je mange une soupe de nouille.
Au nord-est de la ville se trouve un arbre sur une île artificielle, c’est à dire qu’on a creusé un lac tout autour de l’arbre. Cet arbre est sacré, c’est un banian, il est gigantesque !
Le banian, ou Ficus benghalensis, peut devenir un arbre géant couvrant jusqu’à plusieurs hectares à lui tout seul ! Il commence son développement comme un arbre normal, puis les branches émettent des racines aériennes qui retombent se planter dans la terre et forment ainsi des troncs secondaires. L’arbre continue à se développer en largeur plutôt qu’en hauteur.
L’arbre sous lequel Bouddha a trouvé l’illumination est lui aussi de la famille des ficus. Ce que l’on appelle l’arbre Bodhi est un Ficus religiosa, moins large que le banian.
Sous cet arbre extraordinaire, les visiteurs viennent déposer des offrandes, allumer des bâtons d’encens en faisant une prière puis vont pique-niquer. Pas loin se trouvent des vendeurs de somtam (salade de papaye verte).
J’ai de la peine à croire que cette forêt n’est formée que d’un seul arbre. Je scrute tous les troncs et tente de trouver une supercherie, en vain. Un des troncs est plus important que les autres, on y a déposé des centaines de guirlandes de fleurs, des statuettes. C’est le tronc primaire de l’arbre. Par terre une natte tressée permet de s’agenouiller pour montrer son respect. Assis à une petite table, un astrologue attend le client, alors que sur le banc voisin, quelqu’un a posé sa guitare et fait une sieste.
11 février 2005
La petite ville de Phimai est entourée de douves et d’un mur d’enceinte qui forment un rectangle de 1 km sur 500 mètres. Au centre de ce rectangle se trouve le Prasat, grand temple cruciforme et les anciens bâtiments royaux. Je passe deux jours à marcher et flâner, je viens deux fois visiter le temple et m’assieds sur l’herbe à regarder les détails de la pierre sculptée.
Le sanctuaire principal est entouré d’une enceinte percée de fenêtres, ça me fait penser à un cloitre. Les autres bâtiments ont été construits au cours des siècles, l’un abrite une statue du roi khmer Jayavarman VII. Ces bâtiments servaient autrefois à loger les moines, l’un était une bibliothèque, et un autre était hôpital public. Quatre grands bassins sont aux quatre extrémités du site.
Assis sous ces grands arbres, je me dis que ces dizaines de photos que je prends, et les centaines de lignes de notes que je gribouille devraient me servir à une rédaction plus importante. Je vais garder cette idée dans ma tête plusieurs années avant d’ouvrir le blog que vous lisez en ce moment et d’y publier ces petits textes illustrés.
Je n’ai pas encore décidé quelle sera ma prochaine destination. Je pourrais continuer vers le nord, Khon Kaen, aller me promener dans les rizières et les champs de canasucre. Je pourrais partir vers le sud-est, longeant la frontière cambodgienne pour visiter d’autres Prasat.
Au moment où je rédige ces notes, je suis assis dans la pièce commune du guesthouse où je dors. Une femme interrompt ma rédaction. A son accent je comprends qu’elle est française, et on commence à discuter. Elle me demande si je sais comment rejoindre le temple de Phanom Rung dans la province de Buriram. Je lui réponds avec une certitude – que je n’avais pas deux secondes plus tôt,- que c’est là où je pense aller demain.
Elle s’appelle Michelle, elle voyage seule en Asie du Sud-Est depuis quelques mois déjà. Je lui donnerai la quarantaine, mais elle m’apprend qu’elle vient de fêter ses soixante ans.
12 février 2005
Comme ces deux derniers matins, je vais boire un café au marché. Au moment où je reviens au guesthouse, je trouve Michelle assise devant l’entrée. Bien qu’elle ait un air dégagé, elle semble m’attendre pour partir. Sans même nous concerter, nous quittons ensemble Phimai par le bus, en route vers la suite des aventures.
Dans le troisième chapitre de cette série, je vous parlerai du merveilleux temple de Phanom Rung construit sur une colline et des nombreuses ruines visitées dans la forêt sur la frontière cambodgienne.
Ce récit est celui de mon voyage de 2005, les photos datent de mes différentes visites à Phimai en février 2005, novembre 2015 et janvier 2017. © Frédéric Alix
Trop fort pour retrouver ces détails plus de 15 ans après les avoir vécu 😉 merci pour ce récit très bien écrit 🙂