Ceci est une ébauche de texte, je voulais le compléter en retournant dans cette région, mais la pandémie qui n’en fini pas m’empêche de sortir de ma province septentrionale. Je vais patienter avant de pouvoir reprendre la route, et en attendant je partage avec vous cette ébauche, qui est un extrait de mon journal personnel de 2005.
Août 2005
Après plusieurs mois à travers la Thaïlande le Cambodge et le Laos, il y a un objet que je commence à bien connaître et apprécier, c’est le coussin triangulaire. Compagnon idéal pour s’assoir par terre à l’heure de la bière du soir, ou pour manger devant une table basse, on trouve ce coussins dans les lieux décontractés. Combien d’heure est-ce que j’ai déjà passé adossé à ces coussins regardant le coucher de soleil sur le Mékong, admirant les reliefs karstiques à Vang Vieng, ou encore couché devant mon petit bungalow sur une plage de l’île de Koh Pha Ngaan?

J’ai voulu savoir quelle était l’origine de ce coussin, où il était fabriqué, et je n’ai pas eu beaucoup de réponses. J’ai donc essayé de remonter jusqu’au fournisseur et j’ai obtenu le nom d’un village dans la province de Yasothorn (Issan).
Lors de mon tour d’Issan en août 2005, c’est tout naturellement que j’ai prévu de passer deux jours à Yasothorn.
Il règne une bonne humeur dans le bus qui quitte la grande ville de Ubon Ratchathani. Quand j’annonce que je vais descendre à Yasothorn, les passagers sont tellement surpris qu’ils éclatent de rire. Mais que va faire cet occidental à Yasothorn? Le chauffeur dit très fort que j’ai une petite amie qui m’y attend, et les passagers sont à nouveau pliés de rire. Je descends au centre de ce gros bourg. J’ai deux adresses d’hôtels. Ils sont aussi crasseux l’un que l’autre mais qu’importe! J’ai une chambre avec un semblant de fenêtre et un ventilateur qui tourne au plafond.
Je vais trainer vers les chauffeurs de moto-taxi, expliquant que j’aimerais aller visiter les villages où sont fabriqués les coussins triangulaires. Comme je n’ai que quelques mots à mon vocabulaire, ces explications prennent du temps. Un chauffeur un peu plus éveillé que les autres (qui sont encore hilares après m’avoir écouté), m’emmène. Il me dit qu’on va d’abord passer dans un village qui est connu pour ses paniers de riz collant. Il pense que ça va me plaire.
Petits paniers de riz collant
Le riz collant est une spécialité lao. Comme il colle, il est facile de faire une petite boule pour le manger avec les doigts. On le trempe dans le curry et ainsi on a pas besoin de service. Ce riz collant est servi dans des petits paniers tressés.
En effet, sous plusieurs maisons de ce village, je peux voir des femmes tresser des tiges de bambou pour confectionner ce petit panier de riz que j’ai vu maintes fois sur les tables des restaurants.
*ข้าวเหนียว se traduit en anglais par « sticky rice » et en français devrait se dire « riz gluant ». Comme je trouve cet adjectif peu appétissant je lui ai préféré l’adjectif « collant ».
Sous une autre maison, j’observe une famille qui tisse… des ceintures.
Quelques minutes plus tard, la pluie commence à tomber et nous devons retourner à Yasothorn. Je conviens avec le chauffeur de moto de continuer la visite demain.
« Un jeune fermier ayant travaillé toute la matinée dans les rizières sous un soleil accablant était de très mauvaise humeur quand sa mère est venue lui apporter son déjeuner: elle ne lui avait rempli qu’un seul petit panier de riz. N’écoutant que sa colère, il tue sa mère. En mangeant son repas, il se rend compte que ce petit panier de riz contient bien plus qu’il ne pourrait manger. Rongé par son crime atroce il construit un That qui prendra le nom de « Pra That Kong Khao Noi » (stupa sacré du petit panier de riz). »
Les coussins triangulaires
Le chauffeur de la moto s’arrête à l’entrée du village et ensemble nous nous promenons de maison en maison. Les villageois s’adressent à lui pour savoir qui je suis et ce que je veux. Il leur répond par de longues explications. Je comprends vaguement qu’il explique que je m’intéresse à la culture locale. Au ton qu’il utilise, j’ai l’impression que le récit de ma visite est devenu une sorte de légende. Les villageois sont fascinés.
Devant chaque maison travaillent des familles. Tous sont occupés à des étapes différentes de la fabrication du coussin. Il y a ceux qui tissent le tissus sur de grands métiers à tisser en bois. Ceux qui cousent les différentes pièces du tissus. Ceux qui préparent le rembourrage de paille et de kapok et ceux qui rembourrent. Enfin, il y a deux maisons qui servent d’entrepôts et de lieu d’empaquetage pour les envois aux quatre coins du pays et plus loin même. Une femme assise derrière un petit bureau sur lequel est posé un téléphone me dit qu’elle prépare un envoi pour Singapour.

Je ne suis pas étonné par ce système de fabrication où les artisans travaillent chez eux, réalisant chacun une étape différente de la manufacture. C’est le même système que j’ai observé pour la fabrication des gongs de Kong Jiam, ou les ébénistes de la région de Chiangmai. Mais ce système m’est surtout familier parce que c’est comme ça que travaillent les horlogers dans le Jura.
Je vais rester deux jours à Yasothorn et vais continuer ma route en direction de Roi-Et qui est aussi réputée pour ses coussins triangulaires. Mais je ne vais pas trouver où ils sont fabriqués.
Depuis 2005, j’ai traversé quelques fois Yasothorn sans m’y arrêter, je prévois d’y retourner quand la pandémie nous permettra à nouveau de voyager.
le texte et les photos © Frédéric Alix, août 2005 à Yasothorn, Nord-Est de la Thaïlande
quelle histoire interessante. J’avais commece a lire ton article puis je n’ai pas eu le emps de le terminer. Merci du partage. Ils sont super ces coussins triangulaires.