La province de Tak, est une région dont on connait le nom, mais peu l’ont visité. Dans les idées générales, on pense qu’il y fait spécialement chaud. La route nationale 1 qui traverse le pays de Bangkok vers le nord passe par la ville de Tak et beaucoup de Thaïlandais n’ont de cette province que l’image de cette large route ennuyeuse qui fonce sous le soleil tapant.
Cette région se situe entre le nord et la plaine centrale thaïlandaise, elle est frontalière avec le Myanmar à l’ouest.
Cette province est vaste et a la particularité de se trouver à cheval sur 3 bassins très distincts séparés par de hautes montagnes. Ces 3 régions me semblent être 3 mondes différents.
- Le bassin de la Ping qui vient de Chiangmai (nord) et s’en va dans la plaine centrale. La Menam Ping va confluer avec la Menam Nan pour former le fleuve Chao Praya qui se jette dans la mer à Bangkok.
- Le bassin de Moei délimite la frontière avec le Myanmar. La rivière Walé prend sa source dans les montagnes de Tak et marque la frontière avec le Myanmar. Elle se jette dans la rivière Moei et elles s’en vont vers le nord. La Thaïlande se situe sur la rive droite et le Myanmar sur la rive gauche. Plus au nord la Moei se jette dans le fleuve Salaween (celui dont j’ai emprunté le nom pour mon blog).
- La rivière Kwaï prend sa source à quelques kilomètres de la Wa Le, mais sur l’autre versant et part s’écouler vers le sud, va traverser des forêts encore vierges, deviendra célèbre à Kanchanaburi, changera de nom pour s’appeler Menam Klong et ira se jeter dans la mer près de Ampawa.
Une province sur trois bassins, ça méritait bien trois parties pour mon Episode 12.
Partie I : Umpang
Le gros village de Umpang n’est pas très connu. Pourtant si vous parlez de la cascade géante de Thi Lo Suu, beaucoup de gens peuvent vous dire que ça se trouve quelque part dans la province de Tak.
Thi Lo Suu est un nom en langue karen, littéralement la cascade noire. Elle est une des plus grande d’Asie avec ses 450 mètres de large et ses 250 mètres de hauteur. Toutefois, elle n’a jamais été topographiée avec exactitude. Elle comprend plusieurs marches, les deux premières sont les plus hautes.
De la route provinciale, il faut se lancer sur une route forestière de 23 kilomètres à travers la forêt dense sur un relief montagneux. Les deux derniers kilomètres ne peuvent être parcourus qu’à pieds, et c’est tant mieux parce qu’à mesure que l’on approche, le bruit de la cascade se fait entendre de plus en plus fort, parce que l’on marche le long d’une petite rivière à l’eau turquoise dont le calme ne nous fait pas imaginer qu’elle vient de faire une chute de 250 mètres de haut.
La région de Umpang est peuplée par les Karen.
Les Karen sont un peuple qui vit entre l’est du Myanmar et l’ouest de la Thaïlande. Ils se sont installés sur les premières hauteurs des collines et montagnes, ils ne sont pas un peuple de plaine, mais ils ne vivent pas loin de la plaine. Ils se sont spécialisés dans la domestication des éléphants, aussi, dans tous les villages karen vous croiserez des éléphants. Dans la région de Umpang où il n’y a quasi aucune route, beaucoup de villages ne sont accessibles qu’à dos d’éléphant. Comme je n’ai qu’une petite moto 125cm3 je ne peux pas aller assez loin.
Tapioca !
La région est connue pour son agriculture, et particulièrement ses avocats et asperges. A mon dernier passage en janvier ce n’était pas la saison. Par contre j’ai assisté à la récolte du manioc, cette racine originaire d’Amérique du Sud avec laquelle les Brésiliens font de la farine. En Asie, elle est surtout utilisée pour l’industrie alimentaire et la production d’ethanol, mais aussi aussi pour l’alimentation animale.
Le manioc est un arbuste vivace originaire du bassin amazonien. On le cultive essentiellement pour la fécule issue de sa racine riche en amidon et sans gluten (c’est à la mode) On appelle cette fécule le tapioca.
Voici la vidéo : Partie 1 UMPANG
Partie II : Baan Tak
Baan Tak est un ancien bourg au bord de la rivière Ping, à 20 km au nord de la nouvelle ville de Tak qui est l’actuel chef-lieu de la province.
La rivière Ping est particulièrement belle ici puisqu’elle est très large et comporte de très nombreux îlots.
Contrairement à Umpang et Mae Sot peuplée principalement de Karen, la région de Tak est peuplée par ceux que l’on appelle les Thaïlandais (en réalité ils sont plutôt des Tai-Lanna).
C’est aussi la région de la province la plus connue puisque l’axe routier nord-sud la traverse. La ville de Tak est souvent vue comme une étape entre Bangkok et les régions du Nord.
Muang Tak
Tak est un « Muang » (place forte) vielle de 2000 ans. Cette ville a été établie sous le règne de la Reine Jamathewi de Hariphunchai (Lamphun, époque Môn). Conquise par Sukhothai, elle devient un point important dans la défense du royaume contre les Birmans à l’ouest.
Durant la période Ayuthaya, le vice-gouverneur de Tak s’appelle Sin et devient célèbre sous le nom de Tak-Sin. Il deviendra roi du Siam sous ce nom.
Au début de l’ère Ratanakosin, la ville de Tak est déplacée plus au sud, sur la rive gauche de la Ping, cette nouvelle ville de Tak est aujourd’hui le chef-lieu de la province. Baan Tak est un ancien bourg qui a perdu toute importance mais a gardé tout son charme.
Wat Pra Boromathat
Le Wat Pra Boromma That a été construit par un moine qui revenait d’un pèlerinage à la plus grande pagode bouddhiste au monde : Schwedagon à Yangon. Ce temple a été bâti sur le même schéma architectural, en beaucoup plus petit. Ce moine souhaitait que les bouddhistes thaïlandais qui n’ont pas la possibilité d’aller au Myanmar puissent réaliser ce pèlerinage près de chez eux.
Voici la vidéo : Partie 2 BAANTAK
Partie III : Mae Sot et la rivière Moei
La rivière Moei marque la frontière d’avec le voisin Myanmar (Birmanie). Cette région est une plaine agricole peuplée par un mélange de peuples dont les Karen.

Du fait de l’instabilité politique chez le voisin Myanmar depuis plus de 60 ans, des milliers de réfugiés ont traversé la rivière pour essayer de s’installer du côté thaïlandais. Ils comptent échapper à cette guerre civile qui a déjà incendié grand nombre de villages, torturé et tué un trop grand nombre de civils. Dans la région de Mae Sot se trouve un grand camps de réfugié (Mae Ramat). Les camps de réfugiés sont fermés et surveillés par l’armée, il n’est théoriquement pas permis aux réfugiés d’en sortir et formellement interdit aux personnes extérieures d’y entrer.
Du fait de cette présence birmane dans la région de la frontière, la culture birmane est beaucoup plus importante ici. En ville de Mae Sot, avant que le virus ne verrouille la frontière et que la guerre civile n’éclate au Myanmar, on voyait de riches Yangounais venir faire des achats en ville. La plupart des travailleurs sont des frontaliers pendulaires. On peut manger birman, et plusieurs temples comme le Wat Thai Wattanaram sont comme des enclaves culturelles, on y voit des statues au style birman et des cultes aux Nats (esprits).
la vidéo : Partie 3 MENAM MOEI


La rivière Moei continue sa course dans des régions moins praticables, sa vallée est plus étroite et aucune route ne peut suivre son cours. De plus, l’installation de plusieurs camps de réfugiés rend la visite difficile. La rivière Moei se jette dans le fleuve Salaween et ensemble s’en vont couler dans le pays des Karen avant de se jeter dans la Mer d’Andaman à Molarmien (Myanmar, Etat Mon). Je vous montrerai quelques scènes du fleuve Salaween dans un prochain épisode.
toutes les images, le texte et les vidéos @ Frédéric Alix, entre 2005 et 2022.