Ce texte fait partie de mon récit de voyage d’octobre 2018 pendant lequel j’ai visité plusieurs temples très différents ! J’ai séparé cette visite du texte principal. A lire aussi : Visite de temples
18 octobre 2018
L’année dernière (2017) le temple de Dhammakaya s’est rendu célèbre. La police a tenté d’arrêter le moine supérieur accusé de fraude et de malversations. Les fidèles ont bloqué les accès pendant plusieurs jours en récitant des montras bouddhistes. Le moine n’a pas pu être arrêté. On dit qu’il aurait obtenu l’asile politique dans un pays européen.
Je dois préciser ici que je vais laisser à la justice de juger et aux journalistes d’informer de manière impartiale. Je ne vais vous parler que de mes impressions, qui restent subjectives puisque je n’ai mené aucune enquête.
Des officiers de sécurité surveillent une barrière qui marque l’entrée d’un terrain de trente hectares. J’entre comme si j’étais un habitué et ne m’arrête que cent mètres plus loin devant une première construction en forme de soucoupe volante entourée d’un lac artificiel. Je prends quelques photos et je continue en direction du stupa principal. Je passe devant un énorme bâtiment de plusieurs centaines de mètres de long, arrive dans un parking démesurément grand.
Je parque mon petit véhicule près d’une entrée et m’engouffre dans le hall. Une centaine de places assises (à l’ombre) permettent à une poignée de fidèles d’écouter les mantras qui sont diffusés par un haut-parleur. Quelques moines sont assis aux premiers rangs. J’en vois en méditation ou simplement assoupis et d’autres qui pianotent sur leurs téléphones portables. Je vois un énorme gong et un peu plus loin, des fidèles viennent déposer des fleurs de lotus dans des vases en forme de lotus géant.
Le stupa en forme de soucoupe volante se trouve au centre d’une place de quatre kilomètres carrés, entièrement bitumée, qui peut contenir 400’000 personnes. Le hall qui entoure la place possède un étage avec 600’000 places assises sur des gradins.
Je marche derrière un groupe de femmes venues circonvoluer autour du stupa. Le bitume est brûlant, j’ai très vite des cloques aux pieds. Un tour complet du stupa fait exactement un kilomètre. Des pistes pavées me font penser à un terrain de course d’athlétisme. D’énormes baderoles jaunes annoncent dans quatre langues (anglais, thaï, birman et chinois) qu’il s’agit du « Temple au million de Bouddha ». En effet, toute la structure du dôme est composée d’un million de petites statues jaunes posées les unes à côté des autres (300’000 sur la surface visible et 700’000 autres à l’intérieur de la coupole).
J’ai réussi l’exploit de marcher seul dans le Wat Dhammakaya pendant plus d’une heure avant d’être repéré par les services de l’accueil.
Deux jeunes filles m’abordent avec un sourire qui défie toute concurrence et me proposent (sur un ton qui ne permet pas la contradiction) de les suivre au « centre d’accueil » où je recevrais les informations nécessaires à ma visite. Je pose quelques premières questions, mais j’aurai toutes les réponses plus tard me disent-elles en ajoutant que tout est gratuit.
On me fait monter dans une voiture électrique, et on me conduit à quelques kilomètres du grand stupa dans un bâtiment spécial. On m’offre une bouteille d’eau, je dois remplir un registre sur un ordinateur, laisser mes coordonnées, puis on me demande de m’habiller en blanc. Je tente de résister, mais il paraît que mon pantalon gris est trop coloré. Je dois passer un pantalon de tissus blanc par dessus. J’ai pensé mettre une chemise blanche cet après-midi, aussi j’ai cru être dispensé de m’affubler de leur habit, mais une femme me montre l’inscription de la marque de ma chemise au-dessus d’une poche: ce n’est pas acceptable. Même si il fait chaud, je dois me couvrir d’une nouvelle couche immaculée. Puis on me met devant la statue d’un éléphant et on me pend en photo. Enfin, on m’emmène dans une salle grande salle climatisée au milieu de laquelle est installée une unique chaise, je dois m’y asseoir, et on projette un film d’introduction sur un écran.
J’apprends que le temple Dhammakaya a été fondé en 1970 sur l’initiative de la nonne Chand Khonnokyoong, disciple du grand maître Sodh Candasaro décédé en 1959. Il est dit que c’est avec le montant dérisoire de cent soixante dollars que tout a commencé. La croissance du temple ne se base que sur des donations d’un nombre toujours croissant de fidèles.
Le film terminé, on me présente une énième personne qui parle un très bon anglais. Elle s’appelle Dang, elle a vécu au Royaume-Uni pendant une dizaine d’années. A nouveau on m’installe dans la voiture électrique et la visite officielle commence. Dang répond à toutes mes questions. Une autre femme nous accompagne et me prend en photo (dans mes habits réglementaires) devant tous les monuments. On me demande de me prosterner devant une statue de Bouddha. Je n’avais jamais vu de statue avec ces traits, Deng me dit qu’ils sont ceux du grand maître défunt, le fondateur du mouvement. C’est cette représentation qui est utilisée pour recouvrir le dôme du stupa central.
On me prend en photo me prosternant puis posant. Chacune de mes poses doivent suivre un protocole, mes pieds, mes mains ne sont permises à aucune excentricité.
Dang me dit que je peux venir en tout temps pour une retraite monastique dans ce temple. Elle m’indique aussi les troncs où je peux laisser une donation.

Un OVNI dans le bouddhisme
La forme du stupa est unique, parce que plutôt que de représenter les cinq éléments comme dans le Bouddhisme traditionnel, ils ont choisi de représenter « les trois merveilles » : le Bouddha, le Dharma et la Sangha. Visuellement dit, la forme représente un bol monastique posé sur l’habit des moines, le tout au centre d’un espace qui peut réunir les fidèles (la Sangha). C’est cette forme qui nous fait penser à une soucoupe volante. Cette forme serait vielle de plus de 1000 ans et se retrouverait dans des temples en Inde.
Actuellement, le monastère accueil environ 10’000 moines dont une moitié de femmes et un tiers de novices (enfants de moins de 21 ans). Les moines et nones viendraient de toutes les régions du pays. Dang me montre les baraquements où vivent les moines dans des dortoirs de six. Plus loin, des baraquements identiques accueillent les nonnes. En ce qui concerne les magnifiques condominiums tout neufs que je vois plus loin, Dang évite de me répondre, mais je devine qu’ils servent d’habitation aux moines les plus importants de la congrégation.
Dang me fait admirer le calme du parc arborisé, elle me montre un jeune moine en méditation et des poules qui se promènent en toute liberté. « Ici les poules sont libres et en sécurité » me dit-elle. Je lui demande si ils suivent un régime végétarien, elle me répond que non.
Nous passons devant un haut bâtiment cylindrique. Il habite les bureaux administratifs du temple sur une dizaine d’étages. J’aimerais bien savoir à quoi peuvent servir autant de bureaux.

Dang me raconte qu’à son retour du Royaume-Uni, après un divorce et dans une période malheureuse de sa vie, un médecin lui a diagnostiqué un cancer. Elle est allé passer quelques jours dans un temple à Chiang Mai, elle y a médité, elle s’est détendue et à son retour chez elle, le cancer avait disparu. C’est alors qu’elle a senti le besoin de s’investir dans une congrégation bouddhiste et qu’elle est devenue bénévole au Wat Dhammakaya. Elle vit entre Bangkok et Si Saket où elle possède une petite plantation et fabrique de l’huile de coco, entreprise familiale qu’elle espère voir se développer.
Faire un voeux
Nous retournons au stupa principal, on passe une dizaine de minutes à méditer assis, puis Dang me dit que c’est le moment de faire un vœux. Apparemment tout acte de méditation ou de donation se conclut par un voeux. Je suis perplexe.
(note personnelle: Un moine birman m’avait expliqué (il y a plusieurs années de ça) qu’il ne fallait rien demander à Bouddha: il est un enseignant, pas un dieu. On le respecte et on s’inspire de son enseignement mais on ne le vénère ni lui demande de gagner au loto. Je me dis que si on écoutait mon moine birman les temples seraient vides, les gens ont besoin de magie et de promesses de vie confortable.)
La philosophie du temple Dhammakaya explique que le calme de l’esprit (que l’on acquiert avec la méditation) est la clé du succès et de la richesse.
Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé pendant cette méditation, mais il fait nuit. J’aimerais continuer à me promener seul et prendre des photos, mais mon escorte semble très attachée à moi. Une nouvelle femmes nous rejoint, elle a un visage lumineux, elle demande si nous allons circonvoluer avec elle. Comme on lui dit que je vais partir, elle semble déçue, et moi aussi d’ailleurs. Je ressens pendant un instant la joie de marcher et de méditer avec des gens amicaux. Serait-ce ça le ciment des sectes ?
Deng et les autres femmes me raccompagnent à ma moto, nous échangeons nos coordonnées numériques, je reçois un dépliant et une brochure en papier glacé. Je promets d’être prudent sur la route et de revenir au Wat Dhammakaya.
Etrangement je suis plutôt détendu en parcourant de nuit les quarante-cinq kilomètres pour remonter à Ayutthaya sur les autoroutes encombrées des environs de la mégapole.
© photos et texte en octobre 2018, Frédéric Alix
Un recit tres interessant. C’est vraiment incroyable de temple en forme de soucoupe volante !!!