D’un point de vue bangkokien, tout le territoire du royaume thaï qui se trouve au-delà de Sukhothai est appelé « le nord ». S’ajoute les clichés : « il fait froid, les gens y sont gentils, naïfs, et ils parlent un dialecte amusant ». Ceux qui veulent ajouter une note historique diront que cette région s’appelle « Lanna » (le pays du million de rizières), nom de l’ancien royaume dont Chiang Mai était la capitale. Toutefois, en matière de géographie, il vaut mieux demander l’avis aux géographes.
Bassin de la Salaween
Dans les épisodes 4 et 5, je vous ai parlé de Phayao et de Chiang Rai. Ces deux provinces septentrionales sont dans le bassin du Mékong (coule à l’est).
Toutes les autres provinces (du nord) sont dans le bassin de la Chao Praya (fleuve qui traverse la capitale Bangkok). Toute ? non, une seule s’écoule encore et toujours vers le voisin de l’ouest : Mae Hong Son ! Les rivières de Mae Hong Son sont des affluents du fleuve Salaween (mais! Salaween est le nom de mon blog!?) au Myanmar.
Mae Hong Son est sur le versant ouest des plus hautes montagnes de Thaïlande dont le sommet Doi Inthanon culmine à 2565 mètres. Pas étonnant donc que la culture de cette région soit autant tournée vers les Taï Yaï (Shan) qui peuplent les vallées du bassin de la Salaween.
Episode 8 de mon video blog
Pour cet épisode, j’ai choisi un style différent, c’est une sorte de « travelog » ou blog de voyage.
On m’a souvent dit que je devrais plus me mettre en scène, que ma présence sur les images créerait un fil conducteur. Je me suis donc pris au jeu (en trainant le pieds toutefois) et je vous l’annonce : dans cet épisode vous me verrez manger des nouilles (et c’est pas beau à voir). Vous verrez aussi ma magnifique veste polaire verte-pistache achetée chez Tesco il y a plus de 10 ans – pour moins de 10 euros – et qui à défaut d’être fashion est très pratique pour les voyages à dos de moto.
Paï
Le voyage commence à Paï. Gros village connu loin à la ronde. Il faut trois bonnes heures de route depuis Chiang Maï sur une route qui serpente à la montée puis à la descente. Paï a été la destination préférée des hippies au siècle dernier. C’était un lieu sauvage où il était possible de fumer les plantes locale dans une atmosphère affranchie des contraintes de la plaine. Des artistes s’y sont installés dans une ambiance festive et libertaire, et petit à petit les gens de la ville ont voulu aller voir les hippies. Pour accueillir les citadins, on a installé du confort moderne et on a chassé le désordre. Puis Paï est devenu ce qu’il est aujourd’hui : une sorte de décor en toc où les citadins s’encanaillent le temps d’un selfie.
Ma description de Paï est malhonnête. Ce que je ne dis pas, c’est que j’aime y passer quelques jours. Je peux m’installer dans un bungalow (avec ou sans confort) près de la rivière, je peux passer une journée entière à lire et le soir je peux manger de bons plats locaux (Taï Yaï ou « Lanna ») mais aussi des menus vegan au goût des citadins branchés.
A Paï coule la rivière Paï, elle prend sa source un peu plus au nord et continue sa route vers Mae Hong Son (ville).
Mae Hong Son
La route 1095 ne suit pas le cours de la rivière Paï, chemin trop accidenté. Pour rejoindre la capitale de la province, la route passe deux cols et traverse la plaine de Pang Mapa. Plus de 1000 virages sur 100 kilomètres. J’adore cette route ! En 2008 je me souviens l’avoir parcourue en plus de huit heures, je m’étais arrêté partout!
La ville de Mae Hong Son semble être au bout du monde, et ce n’est pas qu’un sentiment, il suffit de regarder une carte pour voir qu’au-delà de cette plaine, il n’y a que de la forêt et des montagnes. L’unique aéroport de la région se trouve au centre ville! il est presque aussi spacieux que le reste de la ville. Il y a un petit lac au centre, un joli temple se reflète dans les eaux, mais cette année le lac est presque vide. Un haute colline domine la ville. Au sommet de la colline se trouve un autre temple où il est bon aller le matin voir le lever de la brume. Ces temples sont d’architecture Shan.
Si l’on suit la rivière Paï, on s’enfonce dans la forêt profonde et on se trouve devant un mur : la frontière! Il faudrait deux jours de pirogue pour arriver à Loykoh, la capitale de l’Etat Kayah au Myanmar. Il y a quelques années, j’avais l’espoir que cette frontière s’ouvre, en février dernier j’ai perdu toute espérance. Le Myanmar vit un nouvel épisode tragique de son histoire.
La région de Mae Hong Son est aussi connu pour ses « femmes girafes ». Je vous en parle dans le prochain post, de toutes façons cette année, il n’est pas possible d’aller dans ces villages à cause d’un virus … (je crois que vous en avez entendu parler)
Nord de Mae Hong Son
Novembre, c’est la récolte du riz. Après avoir verdi pendant la saison des pluies d’été, le riz a séché et il est temps de le récolter. Si vous voulez savoir d’où viennent les grains qui garnissent vos assiettes, vous aurez la réponse en image dans mon petit film. Et vous verrez que la vie dans les champs n’est pas une affaire tranquille.
Si l’on quitte les plaines où se trouvent les rizières, on grimpe dans des forêts constituées de pins. Les peuples qui vivent à ces altitudes sont les Karen et les Hmong. Et au bout de la route se trouve un village chinois installé autour d’un lac artificiel.
Baan Rak Thaï
Ces chinois ont fuit leur pays en même temps que Tchang Kaï Chek, ils faisaient partie du contingent yunnanais du Kuo Ming Tan, l’armée qui a combattu Mao Zetung. Alors que Tchang Kaï Chek s’est installé à Taïwan, d’autre ont trouvé refuge dans d’autres pays et notamment dans le nord de la Thaïlande. Ce village a pris le nom poétique de Baan Rai Thaï – ce qui veut dire, le village qui aime la Thaïlande.
Il semble comme surréaliste de se trouver dans une reconstitution d’une Chine post-impériale au coeur de cette jungle, à moins d’un kilomètre du Myanmar, juste sous la montagne de Loi Lem. Ils cultivent le thé et fermentent un Oolong très bon. Ils ont bâtis quelques grands hôtels imitant l’architecture d’un palais impérial d’opéra chinois. Ici aussi, les citadins aiment venir passer une nuit et repartent avec un sachet de thé Oolong et des centaines de selfies.
Voici la première partie de mon petit film Episode 8 : Mae Hong Son (durée : 10 minutes)
Kun Yuam
Reprenons la route vers le sud. Kun Yuam est une petite ville à environ 60 kilomètres au sud de Mae Hong Son. Kun Yuam est un lieu-dit, cela veut dire « la source de la rivière Yuam ».
La région est peuplée principalement par les Karen sur les premières hauteurs et quelques Shan au bord de la Yuam. Cette région a été fortement déboisée, la nature y a été tellement saccagée que les glissements de terrains sont devenus des dangers. C’est alors que le topinambour a fait son apparition. Cette plante vivace se propage très rapidement en tissant des réseaux d’énormes racines. Ces racines fixent le sol et préviennent des glissements de terrain. Au début de la saison froide, la plante fleuri. Sa fleur jaune ressemble à un tournesol miniature. A la mi-novembre, les montagnes de toute cette région se teignent de jaune.
Mae Sariang
Suivant le cours de la Yuam sur un peu moins de 100 kilomètres, on arrive à Mae Sariang, une autre petite ville. La rivière Sariang se jette ici dans la Yuam et ensemble elles s’écoulent vers l’ouest et vont se jeter dans le fleuve Salaween.
Mon étape à Mae Sariang est tombée le jour de la pleine lune, et à la pleine lune de novembre on fête Loy Kratong. On dépose sur les rivières des petits radeaux fleuris surmontés d’une bougie. Ces lumières s’en vont flotter sur les eaux. Dans une vision simpliste (que j’aime), on peut comparer Loy Kratong à Noël puisqu’il s’agit de fêter la lumière dans la nuit. C’est l’une des plus importante fête bouddhiste de l’année.
Mais dans le Nord, dans le Lanna qui tient ses origines de la culture Taï Yaï, on envoie flotter des lanternes en papier de riz dans les airs. La dernière séquence de mon petit film vous présente des images de Yi Peng à Mae Sariang.
De Mae Sariang, la route repart vers l’est et au passage d’un petit col on retrouve la province de Chiang Mai. On contourne le massif de Doi Intanon et ses 2565 mètres d’altitude et on boucle la boucle en arrivant à Chiang Maï ville par le sud, – alors qu’on l’avait quitté par le nord. C’est une boucle d’environ 700 kilomètres lorsque l’on suit les routes. Mais avec les différents détours, je m’en sort avec 900 kilomètres ajoutés à mon compteur.
La seconde partie de mon petit film Episode 8 : Mae Hong Son (durée : 10 minutes)
le texte, les photos et les images du petit film © Frédéric Alix, entre 2006 et 2021.
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Magnifique. Toujours de très jolies photos et beaucoup de détails . Merci du partage Fred. A+