La région de Mae Hong Son est aussi connue pour ses « femmes girafes ». Mais autant le dire tout de suite, ces femmes n’ont pas été croisées avec des animaux au long cou. Pourtant (et c’est triste à écrire) on va visiter leurs villages comme on va au zoo.
En janvier 2005, alors que je voyageais pour la première fois dans la province de Mae Hong Son, je suis allé visiter un village Kayan. J’ai eu un sentiment mitigé, mais je n’ai pas ressenti de voyeurisme malsain comme certains le dénoncent. Il faut attendre janvier 2016 pour que j’aille visiter un second village. Je prévois d’y retourner quand la situation sanitaire le permettra.
Long cou
Les femmes Kayan portent un anneau qu’elles enroulent autour du cou, ce qui crée un effet d’allongement. Le cou en lui-même n’est pas allongé, ce sont les épaules qui s’abaissent. Des chercheurs ont découvert un tassement des clavicules. Une légende urbaine qui dit que si elles retiraient l’anneau, leur cou se casserait, c’est faux.
Elles ne portent qu’un seul anneau dans un alliage de laiton qui s’enroule, et qui se déroule. Elles peuvent l’enlever facilement.
Kayan
Ce peuple vit dans le bassin de la Salaween dans les Etats Kayah et Shan au Myanmar. Les Shan les appellent Padong. Ils se nomment eux-même Kayan. Ils sont un sous groupe de la famille Karen, les « Karen rouge ». En Thaïlande, ils sont appelés คอยาว qui veut dire « long cou ».
réfugiés
Fuyant la pauvreté, les guerres civiles, les assauts des militaires birmans et des miliciens des autres ethnies, quelques centaines de ces Karen rouges ont pu s’installer du côté Thaïlandais de la frontière.
Ces villages de réfugiés sont devenus des attractions touristiques. Les visiteurs doivent payer un droit d’entrée comme au zoo.
Première visite en 2005
Le village que j’ai visité en 2005 était un village factice. Il est situé au bout d’une route en terre battue à environ 40 minutes au nord-ouest de la ville de Mae Hong Son. Je ne retrouve pas son nom, je ne suis même pas sûr qu’il existe encore. A l’intérieur, tout semblait faux, les prétendues habitations étaient des échoppes où les femmes aux long cou vendaient des souvenirs fabriqués dans des usines lointaines.
Je n’ai pas ressenti le voyeurisme que l’on pourrait imaginer. Les femmes étaient fières de se présenter et de poser pour mes photos. Ce qui m’a choqué, ce sont les souvenirs, statuettes de femmes au long cou fabriqués en usine dans un style plus africain que local.
Etrangement on ne voyait aucun homme – ils n’ont pas de long cou, ils n’ont pas besoin de se montrer.
Seconde visite en 2016
En 2016, je suis allé au village de Huay Pu Keng. Plus large, il s’agit d’un vrai village. Pour y accéder, il faut traverser la rivière avec un batelier. Et c’est le prix de cette traversée qui sert de ticket d’entrée dans ce village. Les étals de vente des babioles sont regroupés au bord de l’eau, et il suffit de pénétrer dans le village pour y voir la vie quotidienne de tous, hommes et femmes avec ou sans anneau.
En marchant seul dans le village, en passant derrière l’église et en visitant le site de rites animistes, j’ai eu l’impression d’être dans n’importe quel autre village. Je me suis assis, j’ai regardé les villageois me regarder jusqu’au moment où je n’ai plus existé. Les autres visiteurs que j’ai croisé étaient des citadins thaïlandais. Ils se sont pris en selfie avec des femmes et sont repartis aussi vite qu’ils sont arrivés. C’est dans la rapidité de leur visite que j’ai senti le voyeurisme.

dérouler l’anneau
Pour les jeunes générations, la question de porter ou non un anneau est un débat important. Refuser l’anneau, c’est aussi refuser l’exploitation touristique. C’est pouvoir aller dans une école thaïlandaise faire des études sans être moqué. Toutefois, refuser l’anneau, c’est renier une partie de son identité.
Avec le développement du tourisme au Myanmar (aujourd’hui stoppé net), les femmes « au long cou » sont aussi recherchées par les industriels du tourisme. Le film myanmar « Kayan beauties » raconte l’histoire des jeunes filles qui se font enlever par des mafias locales.
Pourquoi ?
Selon une ancienne légende, le peuple Kayan serait né d’une union entre des femmes dragons et des hommes mi-ange, mi-humains.
L’anneau autour du cou, et ceux autour des jambes permettraient à la femme de retrouver son apparence de dragon (et non de girafe).
Une autre explication donnée : les anneaux sont des protections contre les attaques des tigres.
Fin-mars, début-avril se célèbre le festival de Kay Htoe Bo. Pendant trois jours, les communautés vont danser autour de totems. Ils vont demander aux devins de lire dans les os de poulet afin de savoir ce que la nouvelle année leur réserve.
Ces croyances animistes font bon ménage avec la religion catholique qui est arrivée chez les Kayan au 19ème siècle dans les bagages des missionnaires italiens.

Pour le monde, nous sommes connus comme étant Padaung,
Mais notre vrai nom est Kayan.Pour le monde, nous sommes originaires de Thaïlande,
Mais nous sommes un groupe ethnique du Myanmar.Pour le monde, nous sommes une opportunité de faire des photos
dans des villages factices sur la frontière thaïlandaise.
Mais nous sommes un peuple fier. Fier de notre culture, de nos traditions et de notre beauté.Nous sommes Kayan.
extrait du film « Kayan Beauties »
toutes les photos et le texte ©Frédéric Alix
cet article sera complété complété prochainement (après ma prochaine visite).
Je vous conseille ce film myanmar Kayan Beauties, sorti en 2012
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