Je vous emmène dans la province de Chiang Rai. Avant d’être une province, Chiang Rai a été le berceau de l’histoire du Lanna. C’est un peu prétentieux que de vouloir faire le tour d’une région aussi riche, aussi nous n’allons que la survoler. A la fin de ce texte se trouve le lien vers ma petite vidéo, si vous n’avez pas envie de tout lire, vous pouvez directement descendre en bas du texte.
Le jeune prince Mengrai n’a que 21 ans lorsqu’il succède à son père à la tête de la principauté de Chiang Saen à l’embouchure de la Menam Kok au bord du fleuve Mékong. Etablissant des alliances et des conquêtes, il parvient à unifier un territoire contenant la plaine formée par la basse Menam Kok. Trois ans plus tard, en 1262, il fonde sa capitale, il lui donne son propre nom : Chiang Rai (la ville de Mengrai).
Si l’on remonte la Menam Kok en amont de Chiang Rai, la vallée devient étroite et les montagnes plus hautes. Drôle d’idée que de vouloir s’enfoncer dans cette jungle humide, surtout lorsque sa culture est basée sur la récolte du riz. Mengrai laisse sa capitale et remonte la Menam Kok sur environ 60 kilomètres et découvre qu’au sud-ouest se trouve une vaste vallée qu’a creusé un affluent : la Menam Fang. Cette nouvelle plaine est idéale pour la culture du riz. Il s’y établi en 1268.
Mengrai ne remontrera pas la Menam Kok plus en amont. Aujourd’hui, c’est ici la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar.
Suivez cet éléphant !
Un légende dit que le jeune roi Mengrai aurait suivi un éléphant égaré dans les montagnes. Il serait arrivé sur le site d’un ancien temple au sommet du Doi Tung, qu’il aurait restauré et où il aurait placé une nouvelle relique sacrée. Aujourd’hui, ce temple fait partie des 12 temples sacrés de la culture Lanna, il représente les natifs de l’année de l’éléphant (correspond à l’année du cochon dans la cosmologie chinoise).
Aujourd’hui, sept siècles après Mengrai, ces région d’altitudes sont habitées par différentes tribus, les Akkha, les Hmong, le Lisus et arrivés plus récemment les descendants de l’armée de Tchang-Kai-Chek, le Kuomingtang.
Lorsque les communistes ont pris le contrôle de la Chine continentale en 1949, les soldats de l’armée nationaliste chinoise ont fui, alors que Tchang-Kai-Chek s’est installé sur l’île de Formose (Taïwan), d’autres sont partis vers la frontière thaï-birmane. En 1961, ils ont été conduits à Doi Mae Salong en Thaïlande et ont formé une communauté yunnanaise en plein cœur du royaume thaïlandais. Plus tard, ils ont protégé la Thaïlande des forces communistes dont ils s’étaient échappés. Le gouvernement thaïlandais leur a permis de s’installer et de développer la région. Aujourd’hui, les habitants de Doi Mae Salong parlent encore ensemble le yunnanais.
La région de Doi Mae Salong, longtemps connue pour ses champs d’opium a été le refuge du baron de la drogue Khun Sa. Le gros village de Doi Mae Salong s’étend sur les crêtes des montagnes. Il est habité par les Akkhas et les descendants du Kuomingtang. La culture de l’opium a laissé la place à la culture du thé. On produit principalement le Oolong et un peu de thé noir.
Il est amusant de constater que les Chinois qui produisent le thé emploient les Akkhas pour travailler aux champs et dans les usines de séchage.
It’s teatime !
Le thé Oolong ou Wu Long, qui en chinois veut dire dragon noir (noir comme un corbeau), est un type de thé à oxydation incomplète. Il est à mi-chemin entre le thé vert et le thé noir.
La récolte des feuilles se fait lorsqu’elles ne sont plus des jeunes pousses, mais de belles feuilles charnues, sans être trop mûres. La récolte est d’abord séchée au soleil pendant quelques heures.
Pour que les feuilles perdent leur eau et commencent leur oxydation, on les place sur des claies en bambou dans une pièce où la température est comprise entre 22 et 25 degrés. Les feuilles sont régulièrement brassées de plus en plus énergiquement.
On interrompt l’oxydation à un moment précis en torréfiant les feuilles dans un four à plus de 200 degrés pendant quelques minutes. Les feuilles sont roulées en boule dans une toile. Les boules sont compressées plus de quarante fois entre deux planches. Le thé Oolong a la particularité de se présenter en forme de petites boules de feuilles enroulées, froissées, torsadées.
Ce roulage, pressage a pour but de déplacer les huiles essentielles de la feuille de thé vers sa surface afin qu’elles se libèrent lors de son infusion.
Thé ou café ?
D’autres Doi (montagnes) ont vu leur nom devenir célèbre. C’est le cas de Doi Wawee et de Doi Chaang, deux régions voisines qui produisent du café et ont ainsi donné leur nom au café.
Doi Chaang est peuplé pour moitié de Akkhas et de Lisus. Deux peuples de montagnes distincts qui ne partagent pas la même langue. Leur gros village est installé aux pieds de la montagne qui a pris le nom de l’éléphant en référence à sa forme.
Epilogue de l’épopée de Mengrai
Le roi Mengrai va traverser les montagnes au sud de son royaume et conquérir la vallée de la Menam Ping où il va installer sa nouvelle capitale : Chiang Mai (la nouvelle ville). Le Royaume du Lanna (million de rizières) est né. Mais c’est une autre histoire…
note : La Menam Ping est dans le bassin de la Chao Praya. Alors que la Menam Kok est dans le bassin du Mékong.
Revenons à Chiang Rai
En 1432, on découvre dans le temple Wat Pa Yier (temple des bambous) un bouddha de pierre verte qui prend le nom de Pra Keo-morakot พระแก้วมรกต (bouddha d’émeraude). L’histoire de cette image sacrée va devenir une épopée puisqu’il va devenir l’emblème religieuse du royaume du Lanna, avant de passer au LanChang puis au Siam (il est aujourd’hui au palais royal de Bangkok).
La ville de Chiang Rai, carrefour commerçant important entre la Chine, le Siam, les Indes est peuplée de chinois de musulmans et de bouddhistes. Toutefois, les peuples qui vivent dans les montagnes ont pour la grande majorité été convertis au christianisme.
Chiang Rai est souvent vue comme une ville d’artistes. Thawan Duchanee (né en 1939) a commencé la construction de la « maison noire » บ้านดำ en 1976. Il s’agit d’une collection de constructions traditionnelles repensées par l’artiste dans une vision sombre, voir macabre.
Chalermchai Kositpipat (né en 1956) a lui aussi voulu créer une oeuvre importante pour sa ville natale. C’est probablement pour faire écho au travail de son mentor qu’il a décidé de construire un temple blanc, le Wat Rong Kun วัดร่องขุ่น. Le premier bâtiment a été ouvert au public en 1997, l’ensemble qui comprendra 9 batiments ne devrait pas être terminé avant 2070, l’oeuvre d’une vie, l’artiste aura alors 114 ans si il vit toujours.
J’aimerais vous présenter plus en détail le travail de ces deux artistes de Chiang Rai, mais il me faudra un bloc tout entier, rendez-vous donc plus tard.
Construite au cours de dix dernières années, la statue géante de Guanyin (déesse de la compassion dans le bouddhisme chinois) haute de 60 mètres est désormais un monument représentatif de l’ère actuelle de Chiang Rai. Dans l’ensemble des bâtiments qui composent le temple, un seul est de style thaï, les autres empruntent des styles chinois. La statue géante est équipée d’un ascenseur qui permet de montrer les 25 étages et d’admirer la vue depuis des petites fenêtres.
Chiang Saen, le Mékong et son lac.
Redescendons la Menam Kok jusqu’à Chiang Saen. C’est ici qu’elle se jette dans le fleuve Mékong. C’est ici qu’est né le prince Mengrai en 1238. Dans les environs de la ville actuelle sont disséminés des restes de constructions sacrées construits au fil des siècles.
Mais de l’époque de Mengrai, il ne reste rien!
Une légende dit qu’un serpent Naga qui vit dans le Mékong serait venu serpenter dans les rues de Chiang Saen. Les habitants l’auraient tué et mangé. On tient cette histoire de la seule femme qui n’a pas participé au banquet, elle aurait été épargnée par la terrible vengeance du serpent mythique. Chiang Saen se serait enfoncé dans le sol, creusant ainsi une fosse de plusieurs kilomètres de superficie. Ce trou s’étant rempli d’eau, il est aujourd’hui le lac de Chiang Saen à l’ouest de la ville actuelle.
J’aime beaucoup ce lac et sa région qui est connue par les ornithologues. On peut y observer un grand nombre d’oiseaux.
L’est de la région de Chiang Rai est aussi bordée par des hautes montagnes. Ici vivent les minorités Hmong que l’on appelle aussi Meo ou Miao. Ce peuple a émigré au cours des cents dernières années, fuyant le Laos que l’on aperçoit en regardant par-delà de ces Phu (montagnes).

Phayao
Au sud de Chiang Rai se trouve l’ancienne principauté de Phayao qui doit son aisance à son marais poissonneux et limoneux: le marais de Phayao. La rivière Ing forme ce marais et va elle aussi se jeter dans le Mékong, à Chiang Khong.
Les provinces de Chiang Rai et Phayao forment la seule région du Nord qui soit situé dans le bassin du Mékong.

Merci de m’avoir lu jusqu’ici. Voici enfin la vidéo, bonne séance : Episode 5 – Chiang Rai
Always a Cat Video Blog : Episode 5 – CHIANG RAI
toutes les photos et le texte sont des Frédéric Alix, photos prisent entre 2006 et 2021.
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Je reconnais les endroits ùu nous sommes allés ensemble en 2014. Comme toujours tu nous présentes un texte riche en informations et de bien jolies photos. Bravo pour ce travail d’écriture que tu aimes.